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| Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence | |
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+6Chakton Charlotte Mousseline madame antoine pimprenelle Chou d'amour 10 participants | |
Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Marie Jeu 18 Nov - 14:40 | |
| Marie Joséphine Louise de Savoie, gravure d'un artiste inconnu, env. 1775 Source : Wiki |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Mer 11 Mai - 19:56 | |
| Je me demande s'il était bien sincère quand son mari écrivit ceci: « Cette année 1810 devait m'être défavorable, qui se termina par la mort de la reine ma femme, expirée à Goldfield Hall, le 13 novembre 1810. Cette excellente princesse, à laquelle nos infortunes m'avaient doublement attaché, les avait supportées avec une magnamité peu ordinaire : tranquille, lorsque les amis vulgaires s'abandonnaient à leur désespoir, jamais elle ne fit un de ces actes de faiblesse qui abaissent le dignité d'un prince. Jamais non plus elle ne me donna aucune peine d'intérieur, et elle se montra reine dans l'exil comme elle l'aurait été sur le trône. Sa gaieté douce me convenait ; son courage que rien ne pouvait abattre, retrempait le mien ; en un mot, je puis dire de la reine ma femme ce que mon aïeul Louis XIV dit de la sienne quand il la perdit : « Sa mort est le premier chagrin qu'elle m'ait donné. La reine, âgée de cinquante-sept ans, eut non seulement tous mes regrets, mais encore ceux de mes proches et de nos serviteurs. La famille royale me prodigua dans cette circonstance une foule d'attentions délicates et soutenues. Elle voulut que les restes de Sa Majesté fussent ensevelies à Londres avec tous les honneurs rendus aux reines de France dans la plénitude de leur puissance. C'est à Westminster que reposent ces chères dépouilles ; puisse la terre leur être légère ! Je suis convaincu que l'âme qui y logeait habite aujourd'hui les régions célestes où elle prie avec les bienheureux de notre famille, pour son époux et pour la France. »
Mais bon je me dis qu'avec les événements et toutes ces années de mariage-certes pas très heureux- qu'ils ont vécu, même s'ils s'en sont sortis vivants, il devait y avoir un petit attachement de la part de Louis XVIII |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Mer 11 Mai - 20:03 | |
| C'est une très belle lettre, Louis XVIII avait la fibre épistolaire . Maintenant, quant à sa sincérité, je n'y crois pas beaucoup ... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Mer 11 Mai - 20:05 | |
| C'est sûrement le pire hypocrite de l'Histoire. Mais bon après tout, sans penser tout ça, on peut espérer qu'il ait eu au moins un pincement au coeur pour la mort de celle qui fut sa femme pendant près de 40 ans. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Jeu 12 Mai - 18:40 | |
| J'aurais tendance à penser que cette lettre porte plus de sentiment vrais que vous lui en reconnaissez. Il n'aurait jamais écrit ça avant la révolution, c'est sûr. Mais il fut très marqué par la révolution, l'exil. Ils se rapprochèrent peut être, au moins amicalement (cette lettre ne parle pas d'amour, mais plus d'amitié) avec ces terribles événements. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Jeu 12 Mai - 19:11 | |
| Oui c'est un peu ce que je pense aussi. Mais bon, oser comparer son veuvage à celui de Louis XIV, c'est surtout histoire de se faire bien voir et poser sa légitimité sur le trône... Aucune peine dans leur mariage ? Et quand ils se partageaient les mêmes maîtresses ? |
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Sam 22 Oct - 19:28 | |
| - Citation :
- Mme de Gourbillon et Madame avaient des moeurs que la morale réprouve . Si vous voyez ce que je veux dire
Des moeurs que ta morale réprouve, tu veux dire ! Parce que, la morale en général, elle, elle accepte de plus en plus les amours homosexuelles. Au demeurant, on ne sait absolument pas quelle était la nature de la relation que Madame entretenait avec la Gourbillon. Mais, bon... Madame est moche, grosse et poilue. L'homophobie en fait donc joyeusement une lesbienne. _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Sam 22 Oct - 19:35 | |
| Je parlais de la morale dite chrétienne . |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Dim 23 Oct - 12:38 | |
| - pimprenelle a écrit:
Au demeurant, on ne sait absolument pas quelle était la nature de la relation que Madame entretenait avec la Gourbillon. Disons que l’on connaît l’intensité passionnelle et exclusive de cette liaison. La comtesse de Provence est furieusement attachée à son amie, ce qui causera divers scandales au sein du couple Provence, mais bien au delà : à la cour bien sûr, mais aussi avec des répercussions diplomatiques. La Provence a aussi laissé des écrits très nets sur l’intensité de son, disons, attachement. Pour ce qui est de sa nature, nous pouvons, une fois encore, préciser qu’il n’y a nulle preuve d’une relation charnelle (nan, nan : pas de photos érotiques, pas de lettres hotissimes). Mais enfin bon, s’il faut en rester à cette forme d'amitié, disons qu’elle était particulièrement intense et exacerbée. Ainsi donc les amis, plaçons, à l’envie, le curseur où bon nous semble. Entre autres maux, l’on a reproché à la Gourbillon : de pousser la princesse à boire, d’intriguer avec elle, l’on pensait aussi qu’elle était un agent double à la solde de l’Angleterre, d’abuser des faiblesses de la princesse, de lui soutirer de nombreuses faveurs, mais aussi d’être trop proche (de passer ses nuits avec elle). A l’époque, il y a donc, aussi, un petit relent d’histoire de moeurs...pas très nette. Bref, ça jase graaave ! Et ça tranche ! Louis XVI lui collera une jolie lettre de cachet lui demandant de s’exiler. Provence fera tout ce qui est en son pouvoir pour éloigner, sans cesse, cette gênante amie de sa femme (à l’exception de l’épisode de Varennes, nécessité oblige ). Et la princesse s’emploiera sans relâche à la retrouver ou la défendre, avec une obstination et une fidélité de coeur sans faille ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Dim 23 Oct - 13:27 | |
| Intéressant exposé, merci ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Dim 23 Oct - 14:10 | |
| Oui, c'est tout à fait interessant comme analyse. |
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Dim 23 Oct - 14:18 | |
| - Citation :
- Disons que l’on connaît l’intensité passionnelle et exclusive de cette liaison.
La comtesse de Provence est furieusement attachée à son amie, ce qui causera divers scandales au sein du couple Provence, mais bien au delà : à la cour bien sûr, mais aussi avec des répercussions diplomatiques. La Provence a aussi laissé des écrits très nets sur l’intensité de son, disons, attachement. Pour ce qui est de sa nature, nous pouvons, une fois encore, préciser qu’il n’y a nulle preuve d’une relation charnelle (nan, nan : pas de photos érotiques, pas de lettres hotissimes). Mais enfin bon, s’il faut en rester à cette forme d'amitié, disons qu’elle était particulièrement intense et exacerbée. Ainsi donc les amis, plaçons, à l’envie, le curseur où bon nous semble. Ok, quoi. Rien de plus tangible que pour la relation passionnelle et exacerbée qui unit Marie Antoinette et Madame de Polignac. - Citation :
- Entre autres maux, l’on a reproché à la Gourbillon : de pousser la princesse à boire, d’intriguer avec elle, l’on pensait aussi qu’elle était un agent double à la solde de l’Angleterre, d’abuser des faiblesses de la princesse, de lui soutirer de nombreuses faveurs, mais aussi d’être trop proche (de passer ses nuits avec elle).
A l’époque, il y a donc, aussi, un petit relent d’histoire de moeurs...pas très nette. Bref, ça jase graaave ! Et ça tranche ! Louis XVI lui collera une jolie lettre de cachet lui demandant de s’exiler. Là non plus, rien de plus tangible que des rumeurs, donc. On a reproché tant de choses à Madame de Polignac également... - Citation :
- Provence fera tout ce qui est en son pouvoir pour éloigner, sans cesse, cette gênante amie de sa femme (à l’exception de l’épisode de Varennes, nécessité oblige ).
Et la princesse s’emploiera sans relâche à la retrouver ou la défendre, avec une obstination et une fidélité de coeur sans faille !
Enfin un point sympathique chez cette antipathique princesse : elle est capable de loyauté quand elle aime. _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Dim 23 Oct - 15:01 | |
| - pimprenelle a écrit:
- Enfin un point sympathique chez cette antipathique princesse : elle est capable de loyauté quand elle aime.
Ce qui n'est pas, semble-t-il, le point fort de Monsieur, son époux ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Dim 23 Oct - 19:03 | |
| - pimprenelle a écrit:
Ok, quoi. Rien de plus tangible que pour la relation passionnelle et exacerbée qui unit Marie Antoinette et Madame de Polignac. J’ai précisé « exclusive » ; ce qui n’est certes pas un signe d’homosexualité , mais qui ne se compare pas tout à fait à la relation de Marie-Antoinette avec la duchesse. De même pour ce qui est du « passionnel ». Si la reine était très liée avec son amie, il n’y a pas eu de crise de nerfs et d’acharnement à vouloir préserver leur intimité à tout prix, contre l’avis de tous. Et quand je dis l’avis, je ne parle pas forcément de rumeurs, mais d’actes tangibles : une lettre de cachet de Louis XVI suite à un Mémoire de Montmorin qui révélait la mauvaise influence de la lectrice, et avec notamment une suspicion d’espionnage ; les fins de non-recevoir formelles et répétées de Provence/Louis XVIII, qui bataillera ferme avec sa femme, toute sa vie, pour tenter d’éloigner la Gourbillon. Au sujet de ce fameux Mémoire accusateur, voici ce que la comtesse de Provence écrivit à Mme de Gourbillon : Il y avait encore beaucoup d’articles qui vous regardent, comme de m’avoir ruinée et de m’avoir reçue chez vous toutes les nuits. Malheureusement, c’est la seule inculpation juste. Je n’aime que vous, tout le reste ne m’est rien. J’ai acheté un portefeuille où vos lettres seront. Je les ferai coucher sous ma couverture. Elles sont toutes en ordre, je n’ai plus d’autres lectures.
Elle ira jusqu’à faire intervenir l’ambassadeur de son père, imagina que son amie pourrait faire appel aux Etats-Généraux ( ) ; ou encore, plus tard, plaidera même la cause de sa protégée auprès de Mme de Balbi. Et toujours de Madame à la même, au sujet de son mari qui tenait bon tant qu’il le pouvait : Il est le maître chez moi, mais il n’est pas le maître de mon coeur, il ne l’a jamais eu et ne l’aura jamais.
Le passionnel est un cran au dessus, me semble-t-il, que les relations de la reine avec la duchesse de Polignac. Certes, les circonstances sont différentes... Exilée à Turin chez son père, la comtesse de Provence préféra quitter le territoire avec Mme de Gourbillon, car Victor-Amédée exigeait que l’omniprésente lectrice ne reste pas attachée à sa fille. Hop ! Elles décampent ensemble pour la Suisse. Elles ne se quittent pas dans leur pérégrination, et lorsqu’il s’agira de rejoindre son époux à Mittau (bien contente d’avoir été séparée de lui par la révolution et les exils), Louis XVIII précisera tout de même à sa femme : Si mes instances, si notre amitié ne peuvent rien sur vous, si vous pouvez vous résoudre à me compromettre vis-à-vis de l’empereur de Russie qui ne pourra, d’après vos résistances, que prendre la plus étrange idée de nous deux, Mme de Gourbillon pourra arriver à Mittau, mais je vous jure que, pour ma part, elle ne mettra plus les pieds au château et que je ne réponds pas des dispositions de l’empereur à son égard.
Informé par Louis XVIII, le tsar fera d’ailleurs arrêter la Gourbillon, dès qu’elle mettra un pied en Courlande ! Hystérie et menaces de la comtesse de Provence qui resta cloitrée dans sa chambre plusieurs jours, et continua d’intriguer pour faire admettre le retour de sa protégée. Tombée gravement malade, elle continua à lui envoyer des lettres ; mais aussi à vendre, en cachette, quelques-uns de ses bijoux pour envoyer de l’argent à celle qui ne pouvait désormais plus l’approcher. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Dim 23 Oct - 19:29 | |
| La Gourbillon n'a pas de secrets pour toi . |
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Dim 23 Oct - 23:40 | |
| En effet, La Gourbillon et la Provence semblent n'avoir aucun secret pour lui. - Citation :
- Le passionnel est un cran au dessus, me semble-t-il, que les relations de la reine avec la duchesse de Polignac.
Certes, les circonstances sont différentes... Les circonstances, mais aussi sans doute les tempéraments. La Provence semble avoir été une grande frustrée de la mort qui tue, repliée sur elle-même et ruminant sa bile. La seule personne qui put la comprendre (ou la manipuler, c'est affaire d'interprétation) fut cette Madame de Gourbillon, dirait-on, ce qui provoqua chez la comtesse un attachement exclusif. A la différence de Marie Antoinette, elle n'avait ni amis, ni enfants auxquels se raccrocher. Que cette Gourbillon et la dive bouteille, dit-on. Ça ne fait toujours pas de leur relation, n'en déplaise à Messadié, une lisaison saphique. _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Lun 24 Oct - 8:33 | |
| - pimprenelle a écrit:
- La Provence semble avoir été une grande frustrée de la mort qui tue, repliée sur elle-même et ruminant sa bile. La seule personne qui put la comprendre (ou la manipuler, c'est affaire d'interprétation) fut cette Madame de Gourbillon, dirait-on, ce qui provoqua chez la comtesse un attachement exclusif.
Ça ne fait toujours pas de leur relation, n'en déplaise à Messadié, une lisaison saphique. Ajoutées à un mariage frustré et à un mari « à problèmes sexuels », cela me paraît au contraire des circonstances tout à fait favorables à un débordement vers une relation amoureuse. Il s’avère que ce sont deux femmes. Tu peux la voir frustrée, ou refoulée si tu veux pas de problème ; je ne sais pas non plus si les dames s’amusaient durant les nuits qu’elles passaient ensemble, mais c’est que je ne considère pas le passage à l’acte comme le déterminant suprême et ultime pour définir la nature d’une relation, d’un sentiment. Le débat n’est pas nouveau. D’aucun diront que je fais sans doute encore du Zweig ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Lun 24 Oct - 8:43 | |
| - pimprenelle a écrit:
- elle n'avait ni amis, ni enfants auxquels se raccrocher. Que cette Gourbillon et la dive bouteille, dit-on.
Bombelles va jusqu'à penser ( et écrire ) que Mme Gourbillon encourage l'alcoolisme de Madame et veille même à fournir sans cesse : 22 février, 1789 .
... Madame augmente chaque jour de maussaderie et d'ivrognerie ( ce mot est sale à écrire mais c'est le mot propre à son malpropre penchant ). Il a fallu, ces jours passés, renvoyer de Versailles une Mme Gourbillon, sa lectrice, qui, au lieu de remplir ses fonctions, remplissait sans cesse les flacons qu'elle apportait à sa princesse . Ce renvoi, demandé par Monsieur, a été exécuté d'après un ordre pris du Roi par M. de Villedeuil; mais on n'a pas eu la prudence de s'emparer de plus de 200 lettres que cette vilaine femme a de Madame, lettres qui pourront bien être portées d'un moment à l'autre en Angleterre et y être imprimées, ainsi que vient de l'être l'affreux Mémoire de Mme de la Motte dans lequel cette horrible femme dit des horreurs sur la Reine, horreurs que tous les gens honnêtes sont incapables de croire, mais qui trouvent plus de créance dans le public qu'on ne devrait le supposer .Cette lettre de cachet, l'une des dernières que signa Louis XVI, expédiait la Gourbillon à Lille dès le 19 février . Mais l'éloignement fut de très courte durée puisque, dès la fin août, la lectrice accourait à nouveau auprès de Madame . |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Lun 24 Oct - 9:41 | |
| Ecoutons plutôt notre ami Dominique Poulin, le spécialiste des princesses piémontaises .... ( et merci à la Folie XVIIIème ) Je suis désolée : impossible de copier-coller en occultant les couleurs et les changements de polices de caractères . Ce que c'est suant ! Bref, Dominique, tu as la parole : Parvenue à Namur, terre d'Empire, en compagnie de Marguerite de Gourbillon et du marquis de Criminil, Marie-Joséphine attendit les instructions de son époux. Monsieur lui conseilla de rester en n'omettant pas de louer sa reconnaissance à la lectrice de sa femme : "J'étais bien sûr que l'intelligence et le zèle de Madame de Gourbillon vous tireraient d'affaire mais avec cela je suis très heureux d'en avoir la certitude. Je m'en vais aux nouvelles, restez à Namur." Le roi de Piémont-Sardaigne, en bon père de famille fit de même : "Assurément j'estimais déja assez Madame de Gourbillon que j'ai eu le plaisir de connaitre ici à l'occasion que vous savez et elle m'avait déja paru vous être fort attachée." Toutefois, la superfluité de Shonbornlust attira le dédain de Marie-Joséphine. Le comte d'Espinchal qui la fréquenta à cette époque considéra qu'elle n'était "pas traitée aussi décemment qu'elle aurait dû l'être. Cependant si sa conduite antécédente et son caractère ont pu donner lieu à de justes reproches, il faut convenir que depuis le commencement de la révolution, elle n'en mérite aucun. Au surplus, elle s'explique assez hautement sur tout ce qui se passe ici et même de manière à embarrasser ceux à qui elle fait des confidences, ce qui m'est arrivé à moi-même, me disant imprudemment des choses qu'il est inutile de répéter." Sa chère Marguerite à ses côtés, Madame se lassa pourtant assez vite de Coblence où elle estima ne pas avoir sa place. De plus l'aspect provisoire du séjour rhénan et les menaces de guerre ont sans doute influencé Marie-Joséphine. Quel meilleur asile que de rejoindre la patrie de sa naissance ? Son père, Victor-Amédée III ne s'y opposa pas mais stipula l'accueil de sa fille "avec peu de monde." Le 1er mai 1792, la princesse se jetait aux pieds de son père. Elle ne l'avait pas revu depuis le mariage de sa belle-soeur Clotilde, dix-sept ans plus tôt. La boucle se refermait, retour à la case départ. La cour de Piémont-Sardaigne avait-elle beaucoup changé depuis les années 1770 ? Marie-Joséphine n'était plus la jeune fille docile d'autrefois. C'était désormais une femme mûrissante au caractère bien trempé, aux passions mal assorties et aux nerfs à fleur de peau. Grand émoi dans la famille royale de Savoie ! Au départ, Marguerite de Gourbillon fait bonne impression à la cour. Il est vrai qu'à son actif, elle a sauvé sa maîtresse des griffes de Paris et de la Révolution quelques mois plus tôt. Victor-Amédée III la considère en haute estime et les princes ne ménagent pas les égards à la lecrice de leur soeur. Mme de Gourbillon tombée de son séant trois ans plus tôt se gonfle d'orgueil dans une cour qui lui rend les honneurs. Malheureusement, cet état de grâce fut de très courte durée. La lectrice de Marie-Joséphine se rendit bientôt aussi insupportable qu'à Versailles. Dominatrice, elle toisait impunément son monde. Cette situation ne put que déplaire dans un milieu obsédé par la hiérarchie des rangs. Des rumeurs suspectes parvinrent dans l'entourage du roi. La complicité de tous les instants de la fille de Victor-Amédée III et de la Gourbillon parut extraordinaire. Cette femme n'était pas une dame d'honneur, sa fonction était à peine supérieure à celle d'une femme de chambre. Certes, les moeurs soupçonnées saphiques de ce curieux couple en jupon avait fait jaser à Versailles, mais, à la prude cour de Turin, on ne badinait pas avec la morale. Pour sa part, la comtesse de Provence n'était pas vraiment heureuse. Ses troubles mélancoliques et sa maussaderie étreignaient de nouveau son humeur et sa santé. Avec son amie, les disputes furent fréquentes. Marguerite usa alors de son arme de dissuasion préférée, le chantage de la séparation. Rien de tel pour faire tomber Marie-Joséphine à genoux et lui provoquer une violente commotion. La lectrice de Madame voulait interférer en toute chose dans la vie de sa maitresse. Le 20 juin 1792, elle lui adressa un billet en guise d'ultimatum. Marie-Joséphine devait renoncer à la boisson, source de désagréments et de scandales pour toute sa société. Le deuxième article visait les deux dames pour accompagner qui avaient suivi la princesse en exil, Mmes de Caylus et de Montléart dont la lectrice exigeait le renvoi. Intense agitation dans le cerveau surmené de la comtesse de Provence. Dans la fièvre, elle répondit à sa bien-aimée : "Maintenant vous voulez vous séparer de moi. Que ce mot est dur. Je dois m'y soumettre... Si votre intention a été de me mettre au desespoir, votre but est rempli. J'ai passé une nuit effroyable. Puisque vous avez pu former cet horrible projet, vous aurez sans doute le courage de l'accomplir. Vous savez très bien que je ne puis vivre sans vous... Il y a aujourd'hui un an que vous m'avez sauvée et aujourd'hui vous m'assassinez... Si vous m'aimez, si vous désirez que je vive, vous savez ce que vous avez à faire." Ce funeste projet n'eut pas de suite, mais Mme de Gourbillon, parfaitement consciente de ce qu'elle représentait, renforça son pouvoir. Nous appellerions aujourd'hui de sado-masochistes les relations de ces deux femmes qui défrayaient la chronique de la cour du roi de Piémont-Sardaigne. A Turin, Marie-Joséphine s'ennuyait-t-elle à mourir ou les distractions étaient -elles si mesurées ? Des problèmes plus intimes dont nous n'avons pas connaissance plongeaient-ils Madame dans une tristesse de plus en plus chronique ? Prisonnière de ces troubles inconscients, Madame perdit toute modération dans l'alcool, elle ne s'en cacha plus. Son vice se transforma en ivrognerie, ce n'est pas ragoûtant. Le 11 décembre 1792, son plus jeune frère, le comte de Maurienne écrit dans sa correspondance : "Madame vint avec Mme d'Osasc, elle était d'une humeur noire." Idem, pour le duc de Genevois, le 30 janvier 1793 : "Le soir, Madame était fort ivre au point de déraisonner". Le comte d'Espinchal résuma le sentiment général : "Elle avait un défaut que l'on ne peut concevoir ni excuser dans une femme, surtout de sa naissance, celui de la boisson." Le climat de la famille royale de Savoie fut fortement ébranlé. La comtesse de Provence ne comprenait plus personne, elle prenait à partie la princesse Félicité, elle refusait de saluer sa belle-soeur, la duchesse d'Aoste au lendemain de ses couches "ce qui fit effet aux spectateurs", selon le prince Charles-Benoit perplexe. La Gourbillon était également dans le point de mire de la cour. Le duc de Genevois la surnommait avec dégoût "La maudite saurcière" [sic]. Pour autant, la "saurcière" ne négligeait pas son dessein, le renvoi des dames du palais de Marie-Joséphine. Successivement, à la fin de 1792, Mmes de Montbel, de Caylus et de Montléart furent renvoyées malgré les protestations scandalisées que suscitèrent ces démissions forcées. La faible comtesse de Provence, sous l'emprise de sa lectrice, laissa faire. Deux aristocrates piémontaises remplacèrent les évincées, les comtesses d'Osasc et de Brezio. Sourde atmosphère au palais royal, l'air devenait délétère. La présence de la lectrice en titre devenait exécrable, elle n'était pas à l'abri des coups de semonce. Victor-Amédée III ne manqua pas de lui parler fort sèchement. Mme de Gourbillon s'en formalisa et osa présenter une requête à ce sujet... Sidèrement du roi devant une telle outrecuidance ! Toutefois, on peut se demander pourquoi le souverain n'ordonna pas le départ de cette femme inapte au compromis. Il en avait le pouvoir, mais il ne prit pas de radicales mesures. Souhaitait-il préserver le peu de santé de sa fille déja si désemparée de l'exil de sa favorite trois ans plus tôt ? Cependant, d'après divers recoupements, il semblerait que le père de Marie-Joséphine avait informé Monsieur de la conduite de cette volcanique lectrice et avec force détails. Le comte de Provence, comme nous l'avons vu, avait rappelé l'amie de sa femme en 1791, peu avant leur fuite. Louis-Stanislas avait toujours nourri une estime très tiède envers Mme de Gourbillon, peut-être même éprouvait-il un sentiment d'aversion envers cette femme énergique et ambitieuse. En époux de parade mais parfaitement légitime, il n'oubliera pas les lettres alarmistes de la cour de Turin en particulier celles du roi et de la princesse de Piémont et saura dénouer le fil tenu de cette rocambolesque liaison, quelques années plus tard. Marie-Joséphine confirmera elle-même à son égérie ce point de non-retour à la veille de sa mort. ____________________________________________________________ Je crois que, dans la relation que vient de nous décrire Dominique, pour l'amitié d'abord et puis la beauté de la constance en amitié ensuite, nous repasserons . Le parallèle entre la relation Comtesse de Provence/Mme Gourbillon et Marie-Antoinette/Mme de Polignac me semble rhédibitoirement exclu . |
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Lun 24 Oct - 9:47 | |
| C'est que, je ne sais pourquoi, je reste comme sur le sentiment que c'est l'homophobie ordinaire qui fait fort allégrement de Madame une gouine... et que son physique ingrat n'est pas étranger à cet étiquetage.
Mais, certes, ce n'est qu'une impression... _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Lun 24 Oct - 9:51 | |
| - pimprenelle a écrit:
- C'est que, je ne sais pourquoi, je reste comme sur le sentiment que c'est l'homophobie ordinaire qui fait fort allégrement de Madame une gouine... et que son physique ingrat n'est pas étranger à cet étiquetage.
Mais, certes, ce n'est qu'une impression... Que l'homophobie ordinaire par là-dessus se déchaîne, ce qui est sûr et certain, n'empêche pas la nature particulièrement glauque de la relation entre Madame et sa lectrice . |
| | | pimprenelle
Nombre de messages : 40594 Date d'inscription : 23/05/2007
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Lun 24 Oct - 10:00 | |
| Je ne sais pas, je n'y étais pas. Vu de l'extérieur, cette relation craint, en effet. Mais Madame considère que la Gourbillon l'a sauvée. Donc, vu de l'intérieur, ce n'était peut-être pas si moche que ça.
Est-il nécessaire de rappeler tout le mal que les contemporains ont dit de la relation entre Marie Antoinette et Madame de Polignac ? Pis que pendre.
Loin de moi l'idée de défendre Madame, je ne l'aime pas, tu le sais. Mais je n'aime pas non plus les étiquetages à l'emporte-pièce. _________________ rien que la mort peut me faire cesser de vous aimer
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Lun 24 Oct - 10:04 | |
| Ce dont Madame semblait avoir le plus besoin, c'est d'un psychiatre! A défaut d'un bon "confesseur", elle a préféré une Gourbillon qui devait très bien savoir mettre à profit sa confiance ... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Lun 24 Oct - 10:12 | |
| - pimprenelle a écrit:
- Mais Madame considère que la Gourbillon l'a sauvée.
La Gourbillon pouvait être motivée ! Elle sauvait sa poule aux oeufs d'or . Et puis quoi, elles n'ont fait que se carrer dans la voiture de M. de Criminil ! C'est lui qui les a menées à bon port . Cela n'empêche pas, tu as raison, que Madame pouvait se croire de la reconnaissance pour sa Gourbillon ........ |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence Lun 24 Oct - 10:22 | |
| Madame a recherché une exclusivité qui compenserait son isolement et ses incapacités à s'adapter à la Cour... Elle y a gagné une dangereuse dépendance affective qui l'a conduite jusqu'aux rives de la folie ... |
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| Sujet: Re: Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence | |
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| | | | Marie-Josèphe de Savoie, Comtesse de Provence | |
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