Jacques-René Hébert

"Ses nouvelles amitiés ne font pas négliger à Hébert ses devoirs de conseiller municipal, de journaliste et de commissaire au Temple. Les nouveaux députés sont à peine élus que l’on parle déjà à Paris de les « passer au scrutin épuratoire des sections ». A la Commune, Hébert s’insurge ; un bon nombre d’électeurs patriotes se trouvant aux armées , l’épuration deviendrait l’œuvre des feuillants, des contre-révolutionnaires qui grouillent maintenant dans les sections , « les patriotes osent à peine lever la tête ».

Au lieu de cette épuration inopportune , Hébert préconise la vigilance. Et il expose ses idées dans le Père Duchesne. Il obtient ce qu’il veut . Il n’y aura pas d’épuration. Et puisque les places de procureur et de ses substituts , tous trois élus à la Convention, deviennent vacantes, on propose l’une d’elles à Hébert. C’est donc en qualité de substitut du procureur de la Commune par intérim que le 22 septembre, il demande l’expulsion de Marat ( qui vient , d’ailleurs , lui aussi , d’être élu député , grâce à la protection de Robespierre ) du Comité de Surveillance que la Commune avait créé au lendemain des événements du 10 août. Hébert , plus tard , se réconciliera plus tard avec Marat, les circonstances l’exigeant ! Pour l’heure, il s’en méfie.

Le vol au garde meuble de milliers de diamants, de centaines de saphirs, de rubis d’émeraudes, de la majeure partie de ces bijoux de la Couronne devenus le Trésor de la Nation , ne retient guère son attention. Il n’accordera au fait divers les dimensions d’une « trahison » que lorsque la rumeur publique mettra en cause le ministre Rolland et le général Dumouriez.

L’on épiloguera , sans doute longtemps encore sur le pourquoi et le comment de la « victoire « de Valmy. A-t-elle été , oui ou non , « achetée « à Brunswick , collectionneur passionné de diamants , grâce aux joyaux du Garde Meuble , avec-ou sans-la complicité de Dumouriez ?
Notre propos n’étant pas de nous prononcer sur cette énigme , nous citerons seulement une confidence peu connue de Dumouriez , dont le texte est précieusement conservé aux Archives de Moscou. Le général parle de Brunswick :

« Il m’avait attaqué à Han, j’étais perdu et dans la plus mauvaise condition possible. Je n’avais que 30 000 hommes dont 18 000 seulement de troupes de ligne, sans discipline, désertant de leurs postes pour aller marauder ; chaque corps avait un esprit différent , je ne pouvais les contenir. Si j’avais eu affaire à Frédéric et à son armée, c’en était fait de ma gloire et peut-être de la Révolution . Je bornais mes espérances à faire la retraite la moins mauvaise possible et j’allais me retirer au moment où le duc de Brunswick m’a proposé cette capitulation fameuse . je me suis trouvé bien heureux ; alors , on m’a présumé beaucoup de talent et il n’y avait que du bonheur… »


Mais je croyais que c’était Fabre d’Eglantine qui avait fait le coup ! Je n’y comprend plus rien ! La lecture d’un livre sur Dumouriez, Valmy et Brunswick s’impose !

Faites donc une petite pause . C'est bientôt l'heure du thé !

Je vais faire une très grande pause et reviendrai demain.

Et Danton aussi y est mêlé!

Madame de Chimay a écrit:

Je vais faire une très grande pause et reviendrai demain.

Vous l'avez bien méritée !!! Eh bien , à demain donc !

Bibliographie concernant le duc de Brunswick

-La franc-maçonnerie: Mémoire inédit au duc de Brunswick (1782) de Joseph Marie Maistre
L'Harmattan, 2000, 130 p : 13,75 euros


-les Guerres de la Rèvolution III La Retraite de Brunswick de
Arthur Chuquet
BiblioBazaar, 2009, 278 p : 31,63 euros


-Heinrich Julius, Duke of Brunswick de
A H J Knight
Oxford: Blackwell , 1948, 148 p :8,66 euros

-Guerre et société à l'époque moderne de
Jean Chagniot
Presses Universitaires de France - PUF , 2001, 360 p : 26 euros

Voici le livre-clé sur Dumouriez qu'à mon avis, il faut lire :

-Dumouriez : Héros et proscrit de
Jean-Pierre Bois
Librairie Académique Perrin , 2004, 484 p : 24,50 euros

Résumé Amazone :

"Dumouriez, un traître ? A 53 ans, vainqueur de Valmy et de Jemmapes, il aurait trahi ? Les faits ne sont pas si simples. Né en 1739, maréchal de camp en 1788, Dumouriez est connu pour des missions secrètes conduites entre 1764 et 1773, et pour son
commandement à Cherbourg depuis 1778. Il accepte la Révolution dans ses débuts, en partie parce qu'elle
permet à cet ambitieux de relancer sa carrière : ministre des Affaires étrangères puis général en chef, il est, entre mars et novembre 1792, le principal responsable de la politique extérieure française. Il se détache de la République au moment où elle subit une dérive sanglante. Il laisse entendre, avant la bataille de Neerwinden, qu'il se prépare à balayer
l'Assemblée et à rétablir une monarchie constitutionnelle. Vainqueur, il pouvait réussir. Vaincu, il abandonne son armée et son pays. Proscrit, Dumouriez vit encore trente ans. Il se consacre à des écrits favorables au libéralisme et à l'émancipation des petites nations. Bonaparte, qui a réussi en 1799 le coup d'Etat que Dumouriez a manqué en 1793, ne pouvait accepter son retour. Louis XVIII, plus tard, ne lui pardonne pas son attachement aux Orléans. Dumouriez meurt en Angleterre, où il repose encore, mais le nom de ce héros énigmatique et controversé figure sur l'Arc de triomphe. "


Dumouriez qui disait : "Les troupes autrichiennes sont les plus braves troupes du monde. Il ne leur manque que de m'avoir à leur tête." ( C'est ce que j'ai lu dans le livre de Marina Grey ).

Dans la bande, il est un des rares que je ne trouve pas antipathique.

Voici une autre bio sur Dumouriez

Dumouriez general de la revolution (1739-1823) biographie de
Henry Isabelle
L'Harmattan , 2002, 520 p : 41,15 euros

"La mission accomplie, Hébert va rendre compte. Voici ce qu'il a relaté : " Les Commissaires se sont présentés au roi détrôné et à sa femme. Ils lui ont communiqué l'arrêté par lequel le Conseil général avait ordonné leur séparation. A cette nouvelle, le roi a été frappé d'étonnement.

-Je n'ai point demandé cela, dit-il, je me trouve bien dans mon appartement?

Les Commissaires ont répondu qu'il fallait obéir, et ils lui ont signifié l'ordre qu'ils avaient de lui ôter plumes , crayons, écritoires et tout ce qui pouvait servir à entretenir des correspondances coupables.
C'est Simon le cordonnier , obligeant de nature , ne rechignant jamais devant les tâches les plus ingrates , qui se charge de confisquer les objets prohibés.

Au moment de leur séparation, Marie-Antoinette et Mme Elisabeth ont versé des larmes ; mais l'arrêté n'en a pas moins été exécuté. Alors le Roi a pris leurs mains et les a serrées comme pour leur dire : Résignons-nous.
L'appartement qu'on lui a donné est très commode ( Hébert juge sans doute, d'après le sien). Il a paru satisfait en y entrant ; mais quand il a porté les yeux sur les fenêtres et qu'il a aperçu les grilles et les abat-jours, il s'est écrié qu'il aurait trop chaud et qu'il ne voulait pas rester dans cet appartement.

Les femmes ont demandé s'il ne leur serait pas permis de communiquer avec les enfants. Les Commissaires n'ont pas cru devoir refuser cette satisfaction , prenant cependant des mesures pour qu'ils ne puissent rien se dire de secret. On a aussi consenti qu'ils mangeassent ensemble mais avec la promesse de ne faire aucun signe, ni de tenir aucun langage suspect. Le valet de LOuis XVI est logé du côté opposé ; et pour aller dans sa chambre, il est obligé de passer par celle des commissaires ; Marie-Antoinette au troisième et MMe Elisabeth, leur soeur , au premier.

La circonvollation qui doit environner le Temple se continue avec la plus grande activité. Sous peu de jours, le mur sera clos et inacessible. Les fossés auront 12 pieds de profondeur et ne pourront être franchis qu'à l'aide d'un pont-levis. Par ces diverses mesures , la garde de cette forteresse sera à l'abri de toute surprise et elle pourra tenir une nuit entière contre quiconque entreprendrait de l'attaquer".

A la lecture de ce rapport, l'on ne peut s'empêcher de remarquer les dons d'observations d'Hébert. Il est suffisamment touché par les larmes versées et les serrements pathétiques des mains pour les noter , pour concéder ( de son propre chef ) les repas en commun et les visites des enfants à leurs parents ".

Ce geste d'Hébert envers la famille royale est étonnant mais il a fait ce geste d'humanité !

" Hébert préfère ses nouveaux amis à la compagnie de Chaumette . Toutefois, il n'ose se montrer trop inamical envers lui et se contient.
Chaumette a fini par trouver " chaussure à son pied". Cette femme ( Henriette Simonin ) partage son temps entre la galanterie et la couture à domicile mais se dit prête à renoncer à sa première activité surtout qu'une grossesse s'annonce. Le couple déménage pour un nouvel appartement digne de leur petite fille appelée Laure.

Mais c'est aussi l'heure des bagarres pour le pouvoir . Et le Père Duchesne donne de la voix :

"De quel droit cette Convention vient-elle foutre son nez dans les assemblées primaires ? ( ...)Quel est ici le maître ?
Peuple, c'est toi , foutre ."

Les adversaires de la Commune sont nombreux et Hébert les connaît: Roland mais aussi BRissot.

Et le Père Duchesne de s'écrier : " Citoyens , défiez-vous des Brissotiers. Ils sont plus à craindre cent fois plus que les La Fayette et la race Capet".

Et plus tard, ce même Père Duchesne ajoutera : " Nous retombons donc sans cesse de fièvre en chaud mal. Un fripon fout le camp, un autre le remplace. C'est un clou qui chasse l'autre. Nous sommes donc toujours mordus du chien ou de la chienne. Souffrirons-nous qu'il s'élève des milliers de tyrans à la place de celui que nous avons détruit ? S'il étoit dans ma destinée d'être un jour gouverné par la canaille Brissotine, je demanderois plutôt qu'on ouvre la Tour du Temple, qu'on reconduise l'ivrogne Capet à Versailles , que d'Artois et Condé soient ramenés en triomphe (...). Oui, foutre, je préfererois toutes les mangeries de l'Ancien Régime, j'endurerois mieux les parlements, les bastilles, les fermiers généraux que les loix qu'une poignée de brigands échappés de Bicêtre et décorés sur l'omoplate des armes du ci-devant roi, veulent nous donner".

17 mois plus tard, lors du procès d'Hébert , Fouquier-Tinville , l'accusateur public du Tribunal révolutionnaire , n'oubliera pas de rappeler à l'accusé ces opinions contre-révolutionnaires.

Etonnant ce discours dans la bouche d'Hébert, non ?

Incroyable, en effet!
Il préférait l'Ancien Régime aux Girondins!

Autre chose qui m'interpelle : Madame Elisabeth au premier étage de la tour du Temple ? Je ne l'avais jamais lu. Peut-être fut-ce un décret non appliqué ou une exagération d'Hébert ? Car elle n'a pas été séparée de Marie-Antoinette et de Marie-Thérèse dans cette prison. Ou alors c'est totalement inédit!

Madame de Chimay a écrit:

Dumouriez qui disait : "Les troupes autrichiennes sont les plus braves troupes du monde. Il ne leur manque que de m'avoir à leur tête." ( C'est ce que j'ai lu dans le livre de Marina Grey ).

C'était un modeste !

Madame de Chimay a écrit:

[i] Souffrirons-nous qu'il s'élève des milliers de tyrans à la place de celui que nous avons détruit ? S'il étoit dans ma destinée d'être un jour gouverné par la canaille Brissotine, je demanderois plutôt qu'on ouvre la Tour du Temple, qu'on reconduise l'ivrogne Capet à Versailles , que d'Artois et Condé soient ramenés en triomphe (...). Oui, foutre, je préfererois toutes les mangeries de l'Ancien Régime, j'endurerois mieux les parlements, les bastilles, les fermiers généraux que les loix qu'une poignée de brigands échappés de Bicêtre et décorés sur l'omoplate des armes du ci-devant roi, veulent nous donner".

Etonnant ce discours dans la bouche d'Hébert, non ?

Sidérant, oui !!!

"Lorsqu'il s'attaque à d'Espagnac ( fournisseur aux armées et celui-ci croisera souvent sa route ), Hébert ne se doute pas qu'il entre dans le jeu du ministre de la guerre , ce Jean Nicolas Pache ( un suisse ! ) qu'il va bientôt connaître qui sera son ami, son complice et qui, en mars 1794, le livrera à la vindicte de Robespierre.

Hébert est réelu au siège de sa section Bonne Nouvelle , mais se désole en apprenant que Chaumette est élu procureur de la Commune. N'était-il pas déjà substitut du procureur et donc il espérait la place de procureur.
Mais il se console de ses déboires politiques par la joie de voir prospérer ses affaires. A la tête de 2 journaux, lui et son associé embauchent du personnel supplémentaire.
Les mésures révolutionnaires ont fait prospérer ses affaires. La liste de leurs abonnés s'allonge et leurs crieurs de rue parviennent à vendre presque toutes les feuilles. Les Sans-Culottes se cotisent à plusieurs pour acheter ce journal qui est vendu 2 sols. Cette publication vante leur importance et les fait souvent rire aux dépens des hommes qui les gouvernent si mal. "


Le Père Duchesne , c'était le Bête-Bête Show de l'époque !

Oui c'est de la satire politique. Malheureusement, les sans-culottes le prenaient pour paroles d'évangile.
Je suis même sûre, confirmée par ce que vous écrivez ces dernières semaines, qu'Hébert ne croyait même pas à ce qu'il écrivait. C'était juste un moyen pour être connu et donc élu, d'obtenir du pouvoir. Et un bon moyen aussi pour manipuler les foules.

Oui, c'était un moyen de se faire une place au soleil. Il était un élève médiocre contrairement à Fabre d'Eglantine qui lui était brillant élève.

Paresseux et médiocre , voilà ce qu'il était réellement . Au fond, le Père Duchesne lui donnait le sentiment de vivre sa vie intensément et lui permettait de gommer toutes les frustrations sociales qu'il avait au fond de lui.
La qualité que je lui reconnais, c'est un excellent don d'observation. Et puis , depuis son affaire de moeurs d'Alençon, il détestait les femmes. Il n'en fallu pas moins qu'une Françoise Goupil, ci-devant défroquée pour venir le chercher et le mettre à tout prix et à toute force dans son lit. IL a vu dans son mariage une possibilité d'être mieux financièrement et c'est pourquoi il a consenti.
Il ne haïssait pas la reine en tant que telle , c'est la femme qu'il détestait en elle. Il a cherché à se venger au travers de la reine de la femme qui avait été à l'origine de son affaire de moeurs d'Alençon. Cela, c'est ma théorie que je développe à l'aide du livre de Marina Grey.
En coup, il se vengeait de son passé , de ce qui l'avait tant fait souffrir et de s'être vu dans la misère.

Ferdinand Brunot, historien de la langue française appelle Hébert l'Homère de l'ordure . C'est plutôt bien trouvé !

Vu ce dont il a accusé Marie-Antoinette, il devait avoir une vision de la femme vraiment très négative. Je plains sa femme.

Citation :

Ferdinand Brunot, historien de la langue française appelle Hébert l'Homère de l'ordure .   C'est plutôt bien trouvé !

L'appeler Homère est déjà trop gentil.

Et lui-même affirmait :

Tous ceux qui aiment la franchise et la probité ne s'effarouchent pas des " bougres " et des " foutres " dont je larde par-ci et par-là, mes joies et mes colères .

Ses par-ci par-là sont des euphémismes!

"Chaumette était fou de joie à l'idée d'être père, procureur et d'avoir un nouvel appartement . Tout lui réussissait. Il décide de consacrer sa nouvelle situation sociale en changeant de prénom. Gaspard sonne trop désuet. Il adopte un prénom de derrière les fagots. Il prendra le prénom d'Anaxagoras.


" C'est le 11 décembre que Louis Capet comparaît devant la Convention pour la première fois. Le président Barrère de Vieuzac l'avait interpellé ainsi :
-Louis, la nation française vous accuse !

Ce 11 décembre devait rester une journée mémorable pour Chaumette. En tant que procureur de la Commune , il se joignit au maire Chambon et au ministre de la justice Garat qui convoyaient le Roi du Temple jusqu'au Manège. Il le raconte dans son journal :
"11 décembre 1792, j'accompagne le ci-devant roi dans la voiture et à la barre de la Convention. Retiré à la salle des conférences de l'Assemblée Nationale, il était 5h et je n'avais pas encore pris aucune nourriture ; un gendarme m'offre du pain et de l'eau de vie. Louis Capet me le voit manger."Hélas ! me dit-il, Mon cher Monsieur Chaumette, je n'ai pas plus mangé que vous ; donnez-moi par grâce une bouchée de pain". Je partage avec lui ! Dieu ! Quelles réflexions ! O Humanité sainte , sois toujours ma divinité, mon guide. L'horreur que j'ai pour les Rois ne m'a pas empêché d'être homme. Je reconduisis Louis Capet au Temple (...). Mouvements tumultueux, cris sinistres, je calme tout ; il est 8 heures et il est enfermé dans sa tour.

Chaumette omet de préciser que, de retour en prison , Louis XVI apprit que son fils lui était enlevé, qu'il allait désormais vivre avec sa mère, mais le procureur n'oublie pas de noter ce 11 décembre ce détail familial : " il est poussé 3 dents à ma petite fille sans douleur."