Jacques-René Hébert

Déçue de ne pas trouver la montre de Marie-Antoinette, je suis passée chez le libraire où j'ai trouvé de Michel Biard Parlez-vous sans-culotte ? Dictionnaire du Père Duchesne, 1790-1794.

Voici la quatrième de couverture :
"C'est mon petit doigt qui me l'a dit", "manger la laine sur le dos", "tirer les vers du nez", "prendre la balle au bond", "il n'y a plus à tortiller", "s'en foutre comme de l'an quarante", "être au bout du rouleau", " manger de la vache enragée"... Qui d'entre nous n'a manié ou entendu, ne serait-ce qu'une fois, l'une ou l'autre de ces expressions ?

Ces tournures, reflets de la langue populaire du XVIIIème siècle, émaillent les pages du Père Duchesne, le célèbre journal de Jacques René Hébert, paru de 1790 à 1794. Journaliste de génie, à l'avant-garde du combat révolutionnaire, Hébert se fit, à l'apogée de son influence politique, l'écho et le porte-parole des sans-culottes parisiens. A coups de métaphores familières, de jurons désopilants, de situations improbables, il savait faire mouche et mettre les rieurs de son côté, qu'il s'agisse de railler le "daron" (Louis XVI), l'"architigresse" (Marie-Antoinette) ou le "général Blondinet" (La Fayette). Son héros, le Père Duchesne, toujours heureux de "s'en foutre une pile" en "étouffant les enfats de choeur" à la santé de la Nation, voulait "dépapiser Rome", "foutre à la lanterne" les aristocrates et faire monter dans la "voiture à trente-six portières" (la charrette des condamnés) les adversaires de la Révolution. Hébert lui-même allait périr en mars 1794, victime de la "cravate du docteur Guillotin".

Les mots du Père Duchesne traduisent, parfois avec outrance, souvent avec justesse, la culture de la rue, le climat politique d'une époque, et sa radicalisation entre 1790 et l'an II.Plus encore, ils témoignent de la richesse d'une langue de ses évolutions et de ses survivances dans le parler quotidien et l'"argot" de notre siècle.

Michel Biard est agrégé d'histoire et docteur de l'université Paris I. Ce n'est donc pas n'importe qui. Si quelqu'un connaît, n'hésitez pas à partager!
Je l'ai pris par curiosité envers Hébert mais surtout parce que j'adore connaître l'origine des expressions.
Je vous ferai part de ma lecture au fur et à mesure.
Je me souhaite bon courage à l'avance parce que le vocabulaire duchesnien
Espérons que l'auteur n'en fasse pas un héros. La quatrième de couverture m'inquiète pour certains passages.

En effet, autant il serait intéressant de connaître l'origine de ces expressions, autant il serait agaçant de faire de leur auteur un grand personnage.

Journaliste de génie, quand même, c'est exagéré ! C'est bien la première fois que j'entends ce ualificatif à propos de Hébert, les historiens le trouvant en général ordurier et limite malsain. Et surtout, faire rire aux dépens de personnes qui vont mourir exécutées, et d'en rajouter 3 louches quand il s'agit de femmes (parce qu'à ce que j'ai lu, cet intéressant personnage était très misogyne, comme tous les sans culotte) ce n'est pas d'un humour tellement drôle.

Je suis entièrement d'accord avec vous chère Cécile.
Dire de quelqu'un qui utilise constamment des mots comme foutre ne me semble pas d'un très haut niveau journalistique. Sans oublier quand on sait comment il peut travestir la réalité d'une manière immondissime.
Et depuis quand a-t-il été à l'avant-garde du combat révolutionnaire ? Son seul moment de "gloire" connu, en tant qu'Hébert et non le Père Duchesne, personnage fantasmagorique, c'est d'avoir utiliser un enfant de huit ans contre sa mère l'accusant du pire crime qui soit.

Je n'ai pas commencé le livre mais y a intérêt que l'auteur en parle, parce que sinon je me débrouille comme je peux pour l'insulter personnellement.

Je finis tranquillement Les Après-midis de Louis XVI.

olivia a écrit:

A coups de métaphores familières, de jurons désopilants, de situations improbables, il savait faire mouche et mettre les rieurs de son côté, qu'il s'agisse de railler le "général Blondinet" (La Fayette).

Notez que Hébert empreinte là la formule de Marie-Antoinette...même pas capable d'innover...Pfffff

Bien à vous.

Je l'avais remarqué également. Ce surnom devait être connu. A priori ça ne le dérangeait pas d'utiliser des expressions de Marie-Antoinette. Quel nul ce type!

Chère Olivia, je serais très curieuse d'avoir vos impressions sur ce livre (Hébert) quand vous l'aurez lu.

Il m'est difficile de respecter quelqu'un qui, en effet, émaillait ses textes d'ordures, avait l'esprit assez perverti pour penser à attribuer à Marie Antoinette et Madame Élisabeth aussi, des gestes incestueux, faire témoigner le fils contre la mère dans cette affaire sordide, rire de gens qui vont mourir, j'en passe. Et de plus, trompant ses lecteurs de façon éhontée : le Père Duchesne était en réalité un petit homme pâle et poudré tout à fait insignifiant. Alors qu'il avait couvert de railleries ceux qui partaient vers la guillotine, quand est venu son tour, il était décomposé (d'après André Castelot)

Comment un auteur à priori très cultivé peut-il en faire un héros et un génie, je suis curieuse de le savoir! A moins que ce ne soit un de ces universitaires pour qui tout ce qu'à fait la révolution a été un bien et tous les "rouges" des héros du peuple ?

Malheureusement j'en ai bien peur.
Dans son avant-propos que je n'ai pas encore fini (ce qui me laisse de l'espoir), l'auteur n'émet aucune critique d'Hébert, au contraire. J'ai bien peur qu'il cache discrètement ce qu'il a osé faire durant le procès de Marie-Antoinette.

J'ai appris par contre que le Père Duchesne était un héros du temps, avant la Révolution. Beaucoup de petits écrivains le reprenaient pour faire "parler" le peuple. Il était ainsi un personnage de théâtre de boulevard avec des comédies à succès. Il est fabricant de fourneaux. Un jour, il se rend à Versailles (par un auteur anonyme) pour parler au roi de ses fourneaux. Il n'a rien contre son roi encore en 1788. Ce personnage a accès aux grands de ce monde très facilement.

Avec le début de la Révolution, le Père Duchesne se multiplie dans les journaux désormais libres. Mais au final, il n'y a qu'Hébert qui tienne dans toute cette concurrence. Quand on est membre de la Commune de Paris, ça facilite les choses. Le titre exact de son journal est : "Je suis le véritable Père Duchesne, foutre!"
L'auteur ne dit pas si les autres écrivains ont connu des représailles pour avoir oser utiliser encore ce nom du héros populaire.

Merci de ces précisions, Olivia : je l'ignorais, je pensais que Hébert avait créé lui même ce personnage. Je le créditais encore d'une imagination qu'il n'avait pas !

Il paraît que les lecteurs croyaient dur comme fer que le rédacteur était bien tel que décrit, un colosse marchand de fourneaux, toujours d'après André Castelot, et que la fureur du peuple contre Hébert avant son éxecution, est venue en grande partie de là : la déception et le sentiment d'avoir été trompés.

Je crois qu'il existait aussi une Mère Duchesne, " journal pour les dames", était-ce encore Hébert lui même ?

Et bien l'auteur ne parle pas du tout du rôle d'Hébert dans le procès de Marie-Antoinette. Honteux!

Et bien, qui se ressemble s'assemble ! encore un qui cache la vérité à ses lecteurs et ne dit que ce qui arrange ses thèses. Ce Monsieur mériterait de recevoir des courriers bien sentis!

C'est déjà ce que je pensais à la lecture de votre premier post, le mot de génie m'ayant fait sauter au plafond : je ne pouvais m'empêcher de penser à Caucescu, encensé du titre de "genie des Carpates", on pourrait en rire si ces gens là n'avaient pas fait autant de victimes.

Le problème avec Hébert étant que, vu la position sociale et intellectuelle de l'auteur qui l'a choisi comme héros, certains risquent de le lire et de n'entendre aucun autre son de cloche, ce qui dans leur esprit noircira encore Marie Antoinette et transformera un minable opportuniste en grand homme ami des humbles.

J'ai trouvé l'adresse mail de l'auteur sur internet.
Je ne me suis pas gênée pour lui faire comprendre ce que je pense.

olivia a écrit:

Je n'ai pas commencé le livre mais y a intérêt que l'auteur en parle, parce que sinon je me débrouille comme je peux pour l'insulter personnellement.

C'est fait! Tout en restant polie.

Vous avez très bien fait
Il faudra quand même que je regarde par curiosité cet auteur et ce livre sur google.

Un journal dont les articles grossiers et faciles ne lui rendent là encore pas honneur

C'est difficile de lui trouver une seule qualité.

Regardez ses habits. C'est qu'il était complètement fou de fringues ! Il lui fallait ce qu'il y avait de plus beau. Pour cela, il n'a pas hésité à mettre sa mère sur la paille...
Il lui fallait des habits qui " tombent " bien , qui ne soient pas trop plissés.
Je crois qu'il serait né à notre époque, il serait devenu mannequin ou comédien...

Et ça se disait héros des sans-culotte!

Oui, le peuple avait bon dos !
C'est un mouton de panurge que l'on peut conduire...

Cette histoire de la veuve d'apothicaire aura pesé sur la fortune de la famille d'Hébert et c'est pour éviter une prise de corps qu'il se décide à partir pour Paris. Il a alors 23 ans et s'érige une devise : " Vaincre ou mourir. "
Toutes ses démarches d'emploi restent vaines et il végète dans la misère mais c'est lui , qui au départ a hypothéqué son bel avenir à Alençon.

Madame de Chimay a écrit:

Il a alors 23 ans et s'érige une devise : " Vaincre ou mourir. "

Charmant programme!

Tant pis pour lui s'il est devenu "personna non grata"!
Le problème c'est que plus tard, il va se venger sur d'autres qui n'y étaient pour rien. Comme une certaine Marie-Antoinette.

Cela rappelle la formule du héros de Balzac dans le Père Goriot:
"Paris, à nous deux. Il faut vaincre ou mourir."
Je crois que c'est Rastignac qui dit cela.

En tout cas, son père s'est déjà vengé sur le manteau ducal de Marguerite de Lorraine.

Je vous souhaite une bonne nuit , chère Olivia.