|
| Révolution et violences | |
| | |
Auteur | Message |
---|
Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Ven 17 Sep - 9:27 | |
| "Il en sera de même de deux personnages mystérieux , dont il faut le reconnaître, l’histoire est troublante …On saura plus tard que le plus âgé , un homme d’une trentaine d’années , était un cabaretier du Châtelet , un certain Ragan , venu pour affaires à Meaux , et l’autre, plus jeune , le fils d’un notaire de ce même village , un nommé Legendre, qui partait aux frontières et avait profité de la voiture pour venir embrasser son père , membre de l’Assemblée électorale.
Vers 10h du matin, le 4 , on les a vus arriver en carriole. Ragan en uniforme de garde national, Legendre vêtu d’un habit où étaient encore brodées des fleurs de lis. Inconnus à Meaux, on les a pris pour des officiers parisiens et comme ils ne trouvaient pas de place chez l’aubergiste Cadas , à l’enseigne de la Pomme d’Orange –le cheval seul put être mis dans l’ écurie-, des voisins, les Decau , leur ont offert l’hospitalité…Ensemble, ils ont cassé la croûte et au cours du repas, ces hôtes mystérieux ont assailli de questions le maître de maison : que se passait-il dans la ville ? Y avait-il beaucoup d’aristocrates ? Faisait-il partie de la Municipalité ?
Comme l’excellent homme , un peu ahuri de cette enquête indiscrète , protestait qu’il n’en était rien –un simple marchand de laine , humble cavalier dans la Garde Nationale-le jeune étranger , en prenant congé , lui a dit :
-Vous mettrez votre uniforme ce soir à 5h et demie précises . A ce moment , on tuera les prêtres. J’en ai la liste dans ma poche ! …
Là-dessus, il a disparu, et on ne l’a plus revu de la journée.
Son camarade , en revanche , est revenu vers les 5h , à la Pomme d’Orange et, après avoir pansé son cheval , s’est assis sur le bas de la porte…UN émeutier est passé sur ces entrefaites et lui a crié :
-Vien avec moi , pour détruire les scélérats qui sont dans les prisons ! …
Il s’en est tiré avec une réponse évasive , mais aussitôt l’individu parti, est rentré dans la maison , répétant comme en proie à une vive émotion :
-Je ne veux pas voir ce qui se passe à Meaux ! …Cela me fait trop de peine.
Il a alors demandé une chambre ; on lui a offert un lit, dans une pièce où il y en avait trois , et il s’y est enfermé , en recommandant à la servante Rose Chaufourier :
-Vous direz à tous ceux qui viendront me demander , quels qu’ils soient , que je n’y suis pas…
Sur les 9h du soir seulement , il est ressorti , prétextant qu’il ne voulait pas coucher là, qu’il entendait passer la nuit seul ; il s’est de nouveau assis devant l’auberge ; peu après , il a accepté d’aller boire avec un gendarme : un ami est venu les rejoindre et ils ont , ensemble, vidé deux ou trois bouteilles de vin. Sur les 10h et demie , enfin, il est rentré chez les DEcau , s’excusant de se présenter si tard , suppliant qu’on n’ouvrit pas la porte à son camarade , parce qu’il le savait gris et qu’il avait peur de lui …." |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Ven 17 Sep - 9:30 | |
| C'est louche tout cela ! Sont-ce des espions ou bien des agents de Batz ? Ou bien autre chose encore... Tout à l'heure, je poursuivrais mon récit .
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Ven 17 Sep - 14:06 | |
| "Au matin seulement, le 5, celui-ci apparaît, se fait arracher les fleurs de lis de son vêtement, et la femme Decau qui lui rend ce service, s’aperçoit que l’habit est plein de sang… Celui de Ragan , par contre, n’a aucune tache…Sur les 8h , enfin, après avoir déjeuné avec Legendre et un électeur , le citoyen Mathon, le cabaretier repart pour le Châtelet…Sans doute va-t-il y raconter le drame qui s’est déroulé , la veille , à Meaux , ses propos seront plus ou moins déformés, et il passera bientôt pour un des massacreurs. De son compagnon, on n’entendra plus parler.
Avec infiniment plus de vérité , La Place , ce même jour , se vante de ses hauts faits à tous ceux qu’il rencontre :
-Est-ce que je n’ai pas bien travaillé , hein ? …crie –t-il à M. Cherrier et celui-ci se contente de lui répondre ironiquement :
-Oh ! Oui…très bien ! …
Là-dessus , un nommé Lebourg , valet de ville , vient à passer , et, reconnaissant l’officier municipal qui continue de causer avec l’ancien dragon, il s’exclame bien haut , de manière à être entendu :
-La Municipalité est composée de tous aristocrates ! …Il faut battre la générale ! …
On sent qu’il suffirait d’un rien pour raviver l’émeute ; on voit même des individus se promener , la pique à la main, proférant des menaces contre tel ou tel : on a , colportent-ils , trouvé dans la poche des morts , des billets qui en disent long et prouvent les crimes d’accaparement et d’entente avec les émigrés , dont sont coupables certains aristocrates.
L’aubergiste Decau , sorti vers 9 h du matin , entend un de ces individus s’écrier , en passant à côté de lui :
-Oh ! Cavalier , ta tête sautera aujourd’hui ! …
Inquiet , il se retourne, demande si c’est à lui que ce propos s’adresse , mais l’homme le rassure :
-Non ! C’est de d’Assy qu’il s’agit…Je veux avoir sa tête…C’est un accaprateur d’argent pour les émigrés …Les lettres des prêtres le démontrent …J’en ai bien tué d’autres, et il y en a encore une cinquantaine à expédier ! …
Ce d’Assy , dans la journée , voit , de fait , sa maison envahie par une bande d’émeutiers ; des gardes nationaux fidèles arrivent à temps pour empêcher le pillage. La famille d’un autre habitant de Meaux, un ancien officier d’infanterie, M. Royer de Maulny, sera non moins gravement menacé. Deux nouveaux émeutiers se signalent au cours de ces désordres : un charpentier , Jean Denogent, et un garçon d’écurie, Girardin.
M. de Maulny est justement de faction à l’Hôtel de Ville . Tout à coup , vers trois ou quatre heures de l’après-midi , ces deux individus lui demandent de leur payer à boire . Conciliant , il leur répond :
-Si vous voulez demeurer au corps de garde , je vais faire venir une bouteille de vin et nous la viderons ensemble.
Les deux compères , sans répondre , s’éloignent , racolent une dizaines de comparses , et , escortés d’un gamin qui bat le tambour –le petit Aitret, un fils du cabaretier –ils se dirigent vers la demeure de M. De Maulny.
En cours de route , ils rencontrent le commandant Dumey ; celui-ci , les voyant en état d’ébriété , leur demande où ils vont .
Cachant soigneusement le but de leur expédition , ils répondent , -et le crédule officier se contente de cette explication :
-Nous allons chez le prieur de St Rémy , pour y rapporter des assignats que des foutus gueux lui ont pris hier…
Madame de Maulny reçoit bientôt les inquiétants visiteurs ; ils lui demanbdent du vin, en obtiennent 13 ou 14 bouteilles, puis, se faisant plus exigeants, réclament de l’argent. Un électeur , qui a là son logement , M. Duquesnoy , veut les faire sortir ; furieux , Jean Denogent se jette sur lui, et des voisins , les CRouyer , interviennent à temps pour empêcher un malheur…Le charpentier demande alors , comme s’il l’ignorait où est le propriétaire de la maison .
-Il est de garde , lui répond-t-on .
-Je suis venu , réplique le misérable , pour lui foutre la tête à bas …Puisque je ne le trouve pas, je vais couper la tête à la femme et aux enfants ! …
En entendant de tels propos , Mme de Maulny , qui allaite à ce moment un bébé, s’évanouit . Un cordonnier , habitant près de là, le citoyen Guillemain , l’emporte dans son jardin d’où la pauvre femme s’enfuit par une porte de derrière et va se réfugier chez des amies , les dames Chéron. ( 1 )
M. De Maulny , cependant , a été averti …En hâte , il monte à la Municipalité pour y réclamer main-forte. Une patrouille le suit et arrive à temps pour chasser les pillards , qui sont ramenés à l’Hôtel de Ville-, sans , du reste, semble t-il, qu’une sanction soit prise à leur égard.
Il faut dire que l’Assemblée électorale elle-même , qui continue de siéger à l’abbaye St Faron, n’a rien fait pour enrayer cette agitation…Bien au contraire , elle a contribué plutôt à surexciter les esprits, sous l’influence des 4 commissaires parisiens , Ronsin, Lacroix, Varin et Cellier, qui , ce matin-là , précisément , ont honoré la séance de leur présence.
( 1 ) Fut-ce la suite de cette vive émotion ?....Mme de Maulny mourut l’année suivante , âgée de 34 ans. Fille unique de Mme Prévost , née Godart, cousine germaine de M. Godart de Saponay, elle laissa deux filles, dont l’une devint la comtesse de Martimprey , mère de deux généraux. "
A la lecture de ce récit , on voit combien la violence est présente et à fleur de peau. Malgré les massacres, la violence de certains n'est pas calmée... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Ven 17 Sep - 14:11 | |
| Non, en effet ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Ven 17 Sep - 14:44 | |
| " La veille, nous l’avons dit, les Electeurs ont refusé d’intervenir pour arrêter l’émeute ; dans la soirée, ils ont semblé ignorer le drame et ont pendant qu’il se déroulait, vainement tenté d’élire le premier député à la Convention : aucun nom n’a réuni la majorité requise des suffrages. Faut-il croire que, rentrés, le soir à Meaux, logés comme ils l’étaient chez l’habitant, ils n’aient pas partagé l’émotion qui bouleversait la ville ? …Toujours est-il qu’ils n’en ont rien montré et, aujourd’hui, dès 7h, ils ont repris leurs délibérations, sans pouvoir se mettre d’accord sur le mode de scrutin qu’ils emploieront.
C’est une heure plus tard que les commissaires du Pouvoir exécutif et de la Commune de Paris ont fait leur entrée dans la salle , salués des cris de : « Vive la Nation ! …Vive la Liberté ! ….Vive l’Egalité ! …
Lacroix , aussitôt , a pris la parole et exposé sommairemment l’objet de leur mission , mais , avant de poursuivre , il a entendu montrer les pouvoirs dont ses collègues et lui étaient porteurs ; la seule vue de ces beaux parchemins , authentiqués de sceaux officiels , a rempli d’aise les Electeurs , et il leur a suffi d’entendre la lecture d’un seul, faite par un secrétaire.
Désormais maître de son auditoire , Lacroix n’a eu qu’à continuer son discours : il a dépeint « avec la chaleur du patriotisme le plus énergique », les dangers qui menaçaient le Pays retracé, en « traits de feu », les trahisons de la Cour, la lâcheté des conspirateurs , les efforts des patriotes et insisté sur l’importance des « bons choix « que devait faire le corps électoral : « La convention , a-t-il conclu, était la dernière ressource qui restait pour consolider l’édifice de la souveraineté du Peuple , sur les bases de la Liberté et de l’Egalité, et échapper à la servitude que les tyrans oseraient préparer… »
Ces paroles ont soulevé un tel enthousiasme , qu’un membre , unanimement applaudi , a demandé au président de donner , au représentant de la capitale , l’accolade fraternelle …Alors tous ont été pris d’un véritable délire : on s’est embrassé , on a juré une fois de plus de « vivre et mourir pour la Liberté et l’Egalité », des vivats sans fin ont retenti, et les citoyens des tribunes eux-mêmes ont pris part à la joie générale…
Varin a choisi cet instant pour remettre officiellement l’adresse de la Commune de Paris rédigée par Marat ; Lacroix de son côté , a fait hommage du discours prononcé par lui , quelques jours auparavant à la section de Marseille , et la lecture de ces deux appels à la violence a troublé les esprits au point qu’un électeur –un officier de la Maîtrise des Eaux et Forêts de Fontainebleau –« emporté par l’excès de sa haine pour le traître assassin du Peuple »-, a demandé qu’il fût fondu un canon du calibre de la tête du Roi , pour que celle-ci fût envoyée à l’ennemi.
Les applaudissements de l’Assemblée ont « attesté son assentiment unanime à cette mesure inspirée par le patriotisme outragé « ; aussitôt après, on a juré de ne plus jamais reconnaître Louis XVI pour souverain. On a discuté , encore un instant , la grave question de l’épuration des autorités constituées puis on a fait une collecte « pour subvenir aux frais de la guerre » ; le public , une délégation des « tribunaux », survenue à ce moment y ont pris part : 1300 livres , 5 sols , 6 deniers ont été , en quelques minutes , recueillis dans l’urne qui servait aux scrutins.
Les commissaires , estimant alors avoir suffisamment « réchauffé le thermomètre de l’esprit public « ont allégué que des »devoirs importants les rappelaient à Paris »et ils sont partis , salués d’acclamations. …Il était près de 2h de l’après-midi…La séance reprendra à 4 h et plusieurs scrutins se dérouleront sans résultat jusqu’à 10h du soir. Demain matin seulement , à 6 h , on réussira à nommer les deux premiers députés de Seine et Marne , Mauduit et Bailly de Juilly …Pas une seconde , il n’aura été fait allusion aux massacres du 4 septembre.
Chose non moins étonnante : le conseil général du District , qui siège en ces mêmes journées , ne s’occupera que de la préparation du camp de Meaux et de l’expulsion des derniers religieux et religieuses de leurs maisons, qui vont être transformées en caserne …Lui aussi semblera ignorer les épouvantables événements dont la ville est le théâtre.
Tout cela n’était-il pas fait pour encourager et renouveler de pareils excès ? "…
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 18 Sep - 16:05 | |
| "Les derniers beaux jours des massacreurs
"Dans les premières semaines qui suivent la tragique journée du 4 septembre , les massacreurs continuent d’exalter le rôle qu’ils y ont joué…On les voit arborer fièrement leurs vêtements ensanglantés , et Berton proclame que, pour rien au monde , il ne fera laver sa culotte maculée, qu’il la portera ainsi jusqu’à ce qu’elle soit entièrement usée…Lombard , le dimanche suivant , se promène, en criant à qui veut l’entendre :
-Oui ! J’en ai tué aux prisons et je suis prêt à recommencer …
Certains comme Liévin, poussent l’audace encore plus loin : désireux d’obtenir de l’officier municipal Jourdain son incorporation dans les volontaires du bataillon de Seine et Marne, l’homme déclare, comme références, qu’il a, de sa main, coupé la tête de M. Capy.
Dans la région même , Ronsin et Lacroix , entretiennent , à ce moment l’agitation …Georges Duval, dans ses Souvenirs de la terreur , après avoir raconté les massacres et en avoir attribué la principale responsabilité à l’ex-auteur dramatique, le montre poursuivant son œuvre destructrice dans tout le département :…Le lendemain , Ronsin et sa bande de déserteurs sortirent de la ville par la route de Château-Thierry , et ils se répandirent dans les campagnes voisines , pillant indistinctement les fermes et les châteaux , détroussant les voyageurs et massacrant volontiers quand l’occasion s’en présentait…Sans doute , ne faut-il accepter que sous réserves les assertions du mémorialiste , souvent enclin à l’exagération : il n’en est pas moins vrai que , le 7 septembre , les commissaires du Pouvoir Exécutif reparaissent à Meaux et se présentent à l’Assemblée électorale qui poursuit ses opérations à St Faron : ils rendent compte , dit le procès-verbal , « de leur mission dans les communes parcourues . »Les deux individus sont donc restés dans le pays et y ont certainement, de leur mieux, « régénéré » l’esprit public.
A en croire plusieurs historiens, la ville faillit, quelques jours plus tard , être le théâtre d’une nouvelle hécatombe : des prisonniers de passage avaient été incarcérés au Château , et , comme le 4 septembre , une bande d’émeutiers voulut en forcer les portes. Que se passe t-il exactement ? …Selon les uns , Cellier , le Commissaire de la Commune , aurait fait œuvre de médiateur et obtenu le salut des détenus ; selon les autres, La Municipalité prévenue , avait pris des mesures de précaution, disposé des armes à l’intérieur de la prison , et les agresseurs , en y entrant , trouvèrent pointés sur eux, la gueule d’un canon chargé à mitraille , -ce qui les fit « s’en retourner plus promptement qu’ils étaient venus… »
A vrai dire , la 30ème division de gendarmerie n’est plus là pour susciter l’enthousiasme : à ce même instant , cantonnée à Châlons, elle tente d’y renouveler ce qu’elle a si bien réussi à Meaux , et le 11 septembre, lecture sera donnée , à l’Assemblée législative , d’une lettre des représentants se trouvant alors en Champagne, qui rendent compte de troubles soulevés par cette troupe : « ….Le dessein de ces hommes était de se porter aux prisons pour en faire sortir les innocents et punir les conspirateurs qu’on leur avait dit y être renfermés. Les commissaires ont employé les moyens de la persuasion, toujours si puissants sur le peuple, et sont parvenus à le ramener à la voie de la justice et de la raison …Un seul malheur est à déplorer : un prisonnier, prévenu d’assassinat, a été tué… »
Quelque temps encore , le prestige des meurtriers se maintient , sans doute en raison de la crainte qu’ils inspirent …Cette crainte seule peut expliquer une scène dont plusieurs personnes sont témoins , vers la mi-octobre …
Ce jour –là, M. Sauvé est à la Maison Commune et reçoit des déclarations sur la quantité de blé vendue au marché… Le Redde , récemment sorti de l’hôpital , se présente et se plaint qu’on lui ait envoyé des soldats de passage à loger :
-Je voudrais bien connaître, dit-il insolemment, le bougre qui a fait cela …On doit savoir que j’ai été à l’Hôtel Dieu pour ma blessure !
Timidement, l’officier municipal répond que , en ce qui le concerne , il ignore cette blessure .
Et le porte sac de riposter :
-Vous êtes donc le seul !...Comment ! Vous ne savez pas que j’ai été blessé, le jour que l’on a tué les prêtres ?...
-Quoi ! Tu étais là ? …
M. Sauvé feint la stupéfaction, et l’autre s’enhardit :
-J’y étais et j’aurais été bien fâché de n’y pas être …On a payé , à Paris , la journée de ceux qui ont été blessés en pareille occasion , même la journée de ceux qui ont massacré …[/u] Enchérissant encore , Le Redde montre son étonnement qu’ on n’en ait pas fait autant à Meaux : on aurait vraiment dû l’indemniser , et pour l’expédition à laquelle il a pris part , et pour le temps qu’il a perdu à l’Hôtel-Dieu …En même temps , il exhibe les blessures , à peine fermées , qu’il a reçues aux genoux et à la tête…
Devant un tel cynisme, le pauvre édile reste muet , ne trouve même pas un mot de reproche…"
Incroyable ! A Paris en septembre , on a payé les massacreurs pour tuer dans les prisons !
-
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 18 Sep - 16:07 | |
| Ce serait intéressant d'ouvrir un sujet sur les massacres de septembre... |
| | | Chou d'amour Administrateur
Nombre de messages : 31526 Age : 42 Localisation : Lyon Date d'inscription : 22/05/2007
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 18 Sep - 16:25 | |
| _________________ Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. Le syndicalisme c'est le contraire!
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 18 Sep - 16:46 | |
| Merci Chou . |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Dim 19 Sep - 1:30 | |
| "Personne encore n’ose , toujours vers la mi-octobre , relever les propos que tiennent publiquement , au café Aveline , les deux septembriseurs , Goulas et Berton …Ils sont là , toute une bande , à boire « le rogomme »et le boucher interpelle le garçon meunier :
-Eh bien ? Quand tuerons-nous encore des prêtres ? …
-Quand tu voudras , répond son camarade …Je suis toujours prêt ! …
Et le sinistre dialogue se poursuit :
-J’en ai encore deux …
-Qui sont-ils ?...
-Je te le dirai …
Les témoins , qui entendent cette conversation , se gardent bien d’intervenir …Mais ils la notent soigneusement et sauront bien plus tard , en redire les termes…
IL faut reconnaître que les circonstances semblent alors favorables aux assassins de Septembre : A Paris , pas plus qu’en Province , aucune poursuite n’a été exercée contre eux, et la Convention , malgré les efforts des Girondins , les a tacitement amnistiés au cours des longs débats qui ont abouti , le 5 novembre , au triomphe de Robespierre et à la défaite de Louvet.
Peu à peu , cependant , dans cette population de Meaux, composée de braves gens, chez qui les idées modérées dominent et les principes religieux persistent , la réprobation grandit contre ceux qui ont participé à l’émeute. …
Les premiers, les parents de La Place ont chassé de chez eux l’égorgeur, « ne voulant plus le voir depuis l’action qu’il avait faite … ». Ainsi répudié par les siens, le triste sire a trouvé le salut en s’engageant, au mois d’octobre, dans une « troupe de ligne cavalière ». M. Jourdain , procureur de la Commune , a reçu cet engagement. –Peu après, le cordonnier Duboin ose renvoyer son ouvrier,- ce Robert, qui a scié la tête d’une des victimes et l’a promenée à travers la ville…Vers le même temps, Lelong se voit révoqué de son emploi de « garde-ville ».
Ce ne sont encore là que des manifestations individuelles : Il va falloir qu’un homme courageux , M. Jean-Baptiste Godart de Saponay , prenne l’affaire en mains , pour qu’on se décide à inquiéter les assassins.
Ces Godart –dont nous avons déjà eu l’occasion de citer , à maintes reprises, le nom,-appartenaient à une des meilleures familles de la bourgeoisie : ils occupaient alors , dans la région , une situation de premier plan, et plusieurs d’entre eux participaient à son administration.
Leur auteur commun , Louis Godart , officier de S.A.S Mgr le duc d’Orléans , était mort en 1783 , laissant , de son mariage avec Melle de Couvenance , 3 fils : MM Godart aîné, Godart de Sergy, Godart de Saponay et une fille , Mme Prévost.
Godart aîné , négociant et membre du District en 1792, avait en lui-même 4 enfants : M. François Godart , avocat , administrateur du département , que nous avons vu , avec son père et son cousin, refuser de juger les prêtres prisonniers ; M. Godart du Vivier , qui sera officier municipal de sa cité natale en 1795 ; Mme Hattingais , dont le mari , ancien procureur au Présidial , deviendra député de Seine et Marne aux Cinq Cents ; Mme Bernier , enfin, unie à un futur maire de Meaux, connu sous le nom de Bernier-Godart.
Le second fils Godart de Sergy , ancien avocat au Parlement de Paris , ne revenait que rarement dans son pays ; le troisième , en revanche, Godart de Saponay , y était resté et n’avait cessé , comme son frère aîné , d’y jouer un rôle important : négociant , échevin, il avait été élu , en 1789 , au Conseil Général de la Commune et s’y était vu renommé en 1792.
C’est de lui qu’était né , en 1760, ce Jean-Baptiste Godart de Saponay , qui va désormais tenir une grande place dans ce récit.. ;
A 18 ans , le jeune homme était allé faire ses études de droit à Paris et , suivant une tradition familiale, y avait appris la procédure dans l’étude de M. Fouquier de Tinville-alors procureur au Châtelet -celui-ci avait été , pour l’achat de son office, pécuniairement aidé par un prêtre meldois , M. Collin de la Marlière , et la recommandation du bon abbé avait valu à Jean-Baptiste Godart d’être bien accueilli par l’homme bientôt tristement célèbre comme Accusateur Public au Tribunal Révolutionnaire : des liens d’amitié étaient résultés de cette collaboration et ils aideront , plus tard , M. Godart à traverser indemne la Terreur.
En 1780 , il avait acheté une charge de Lieutenant au Bailliage et Siège Présidial et était revenu dans sa bonne ville de Meaux qu’il ne devait plus quitter désormais ; mêlé de très près à la vie locale , membre assidu de la Compagnie de l’Arquebuse , dont il était devenu « roi » en 1783, il avait rapidement conquis l’estime et l’amitié de ses concitoyens ; choisi par eux , en 1790 , comme électeur , il était , bientôt après, nommé , pour 2 ans , administrateur du Département et suppléant au Directoire exécutif de Seine et Marne ; lors du renouvellement de juin 1792 , il était passé au District , avec son oncle Godart aîné…
A la suite des décrets des 22 septembre et 19 octobre , de nouvelles élections, destinées à briser les anciens cadres , durent s’effectuer , avec interdiction aux parents, jusqu’au degré de cousin issu de germain inclusivement , de faire partie soit du même tribunal , soit du même corps administratif . Le 17 novembre , François Godart fut réélu au Département : afin de lui permettre d’y rester, son cousin Jean-Baptiste et son beau-frère Hattingais acceptèrent, le premier , la place de juge de paix à Meaux –en remplacement de M. de Vernon choisi comme juge au tribunal du District , le second , la charge de commissaire du Pouvoir Exécutif près cette même juridiction…
Les juges de paix avaient alors des fonctions autrement plus considérables qu’ils n’en ont de nos jours : pourvus d’un mandat biennal , ils formaient , avec deux assesseurs , une juridiction correctionnelle, à laquelle étaient déférés les délits ; ils étaient , en outre, de véritables officiers de la police judiciaire et remplissaient à peu près le rôle maintenant dévolu aux juges d’instruction…En cette qualité , le nouveau magistrat va intervenir dans l’affaire des massacres de Septembre." |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Mer 22 Sep - 0:16 | |
| "L’information de M. Godart de Saponay
"Un ancien avocat au Bailliage de Meaux , considéré comme un homme d’une haute probité, M. Louis-Ambroise Dessin , occupe , depuis 1791, le poste d’Accusateur Public près le Tribunal Criminel de Seine et Marne. C’est lui qui, à la fin de décembre 1792, prescrit à M ; Godart de Saponay « d’ouvrir une information touchant les meurtres commis le 4 septembre et dont il est question dans le procès-verbal de la Municipalité.
Ce procès-verbal lui a été , ce n’est pas douteux , communiqué par le juge de paix , qui a attiré son attention sur l’impunité dont jouissaient encore les assassins, incités de la sorte à provoquer de nouveaux désordres.
Saisi régulièrement de l’affaire , M. Godart de Saponay commence aussitôt son enquête ; assisté du citoyen PC Huvier , remplaçant son greffier ordinaire Jaumin , il entend le 26 décembre , les premiers témoins : la veuve Meignien , mère d’une des victimes , le concierge des prisons Faussart , son fils Claude-Louis , le procureur syndic du District Gouest, le procureur de la Commune Le Clerc, l’adjudant-major de la Garde Nationale Chaurron , l’officier municipal Berthe.
Madame Meignien , si douloureusement éprouvée , se contente de donner quelques explications sur l’incarcération de son fils :
-Je ne l’ai laissé aller à l’Hôtel de Ville , explique t-elle , que parce qu’un sergent de la Garde Nationale m’avait répondu que je pouvais être tranquille , qu’il ne lui arriverait aucun mal…Devant la Municipalité , il lui fut dit qu’il serait plus en sécurité au château que chez lui….C’est ce qui l’a déterminé à s’y rendre et à se joindre à ceux de ses confrères qui y étaient déjà…
Sur le drame lui-même , tous les autres témoins apportent des précisions –précisions qui, juxtaposées , comparées , permettent , avec celles des dépositions ultérieures , d’évoquer , presque minute par minute , toute cette journée…Déjà , les premiers récits mettent en lumière la conduite des principaux massacreurs : Tourluire, Le Redde, Goulas, Anoyers , Mérault, Robert , La Place , -tous à peu près également coupables …
-Ces hommes m’ont paru être dans l’ivresse ! …ajoute seulement M. Gouest , sans dire s’il considère cela comme une circonstance atténuante.
Ces auditions ont pris toute la journée du 26 et ne se poursuivent pas le lendemain : on en reste là, malgré les charges très lourdes relevées contre les individus dénoncés…Au même moment, le procès de Louis XVI se déroule : ce même 26 décembre , a lieu la deuxième comparution du Roi à la barre de la Convention , et de Sèze prononce son plaidoyer …Faut-il y voir une corrélation entre cette procédure et l’arrêt de l’information de Meaux ? …Il est fort probable que M. Godart de Saponay , constatant le sens extrémiste vers lequel s’oriente la Révolution , juge prudent de ne point , momentanément au moins , s’engager davantage…
Trois semaines passent : on en est maintenant aux heures dramatiques du jugement , et les appels nominaux se succèdent…Dans la soirée du 17 janvier , Gensonné , parlant le 22e , se prononce pour la mort , comme presque tous ses amis de la Gironde , mais il fait suivre ce verdict d’une motion où il demande , à la fois , des mesures en faveur de la famille de Louis XVI et des poursuites contre les « brigands « de septembre , « afin de prouver à l’Europe ,dit-il , que la condamnation de Louis n’est pas l’ouvrage d’une faction « et, en même temps , que la Convention « n’admet point de privilèges entre les scélérats ».
Cette nuit –là, la proposition tombe dans le vide , le défilé à la tribune des députés se continue …Après la condamnation à mort , l’exécution sans sursis sera votée le dimanche 20 janvier , à une heure du matin.
On sait la suite ; l’atmosphère de Paris en cette nuit sinistre , l’assassinat de Le Peltier de St Fargeau, l’affolement des Jacobins qui craignent un soulèvement populaire .-Cet affolement explique qu’ils se rallient , à cet instant , à la proposition faite , il y a trois jours , par Gensonné. Kersaint vient d’envoyer sa démission de député et sa lettre évoque à nouveau les massacres de 1792 : « …Si l’amour de mon pays m’a fait endurer le malheur d’être le collègue des panégyristes et des promoteurs des assassinats du 2 septembre , je veux au moins défendre ma mémoire du reproche d’avoir été leur complice… »
Ces lignes soulèvent l’émotion de l’Assemblée ; Cambon et Garran de Coulon demandent que le député de Seine et Marne soit appelé à la barre ; la Montagne entière insiste pour qu’on le déclare traître à la Patrie ; la Gironde , au contraire , prend sa défense ; Barbaroux en profite pour réclamer les poursuites contre les Septembriseurs, et les Jacobins n’osent trop s’y opposer , malgré Chasles et Marat, qui demandent la question préalable ; Barrère lui-même appuie , avec Gensonné , la proposition. Elle est aussitôt votée , à une immense majorité , au milieu d’acclamations sans fin…Tallien et Thuriot obtiennent qu’on englobe , dans la même poursuite , « les individus qui, dans la nuit du 9 au 10 août , se sont réunis au Château des Tuileries « et « les fonctionnaires venus à Paris pour y conspirer … » |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Mer 22 Sep - 8:35 | |
| "M. Godart de Saponay n’est pas long à reprendre son information, qu’autorise formellement ce décret du 20 janvier …Dès le 27 , il signe un mandat d’amener contre La Place , l’ancien maître d’armes de Crégy, estimant peut-être celui-ci plus coupable que les autres , espérant ainsi s’assurer de la personne d’un inculpé étranger à Meaux et dont il ignore vraisemblablement le départ.
Dès le lendemain 28, à 8h du matin , deux nouveaux témoins sont entendus : si le premier ,-le concierge de la municipalité , Beterstroffern , -n’apporte que peu de choses , racontant seulement ce qu’il a vu de sa loge , le second , en revanche , le petit Sébastien Hébert , est accablant contre les émeutiers , et aucun autre ne donnera une vision plus nette de ce qui s’est passé : ce gamin de 15 ans dont nous avons parlé plus haut , avait tout regardé , avec une acuïté extraordinaire , n’avait rien oublié depuis, et il sut en faire un tableau dont l’intensité , après tant d’années, remplit encore d’épouvante ceux qui ont le courage de lire sa déposition.-Celle-ci , soigneusement notée par le greffier Jaumin , qui a repris sa place , sera payée 15 sols à son auteur…
M. Godart de Saponay en sait maintenant assez : aux individus déjà dénoncés par les témoins précédents , et dont le rôle se trouve définitivement précisé , 4 autres , non moins compromis , seront joints ,-Les 4 énergumènes du marché : le fripier Petit , le porte-sac Nicolas Gallet , et les 2 garçons meuniers Berton et Beauchet …Quelques autres : Robert, Aitret , Blondeau , Liévin, Lombard, Champagne, ont eu la chance de n’être pas remarqués par l’enfant : momentanément au moins , ils ne seront pas compris dans les poursuites ; les autres seront l’objet , le soir même , de mandats d’amener : tous les dépositaires de la force publique étaient requis de donner main-forte pour en assurer l’exécution.
Depuis quelques semaines, cependant, les intéressés avaient perdu leur belle assurance et se demandaient, non sans inquiétude, comment les choses tourneraient pour eux…Ils n’avaient pu ignorer l’enquête commencée à la fin de décembre et s’attendaient à la voir reprendre. Anxieusement, ils posaient des questions et tentaient de se disculper …Vers le 25 janvier , on a vu Goulas , errant comme une âme en peine , dans la campagne de Meaux : vêtu d’une veste marron , menant deux moutons en laisse , portant un paquet d’os sur l’épaule , il allait de ferme en ferme et gémissait :
-N’avez-vous pas entendu parler d’un décret qui ordonne de poursuivre ceux qui ont tué les prêtres ? …je me suis trouvé dans la bagarre …Un d’eux , en tombant , est venu jusqu’à mes pieds , et je l’ai achevé avec la baïonnette de mon fusil ! …
A saint Jean les Deux Jumeaux , le meunier Lefèvre , le garçon d’écurie Ledin , l’ont entendu émettre de pareils propos , chez le citoyen Cottereau , et ils l’ont vu repartir traînant derrière lui son maigre bétail…
Ce misérable, au moins, n’échappera pas : on l’arrête, sans difficulté, à son domicile, dans la soirée du 28 janvier …On appréhende, presque en même temps, Mérault, Tourluire et Le Redde.
Sous les ordres du brigadier Jean-Paul Sénégal , trois gendarmes et un détachement de hussards participent à cette opération …Il leur faut pousser jusqu’à Quincy, pour se saisir d’Anoyers , qui est trouvé travaillant à une carrière .
Tout cela a pris du temps , s’est continué en pleine nuit, et la suite en est remise au jour. On se contentera de ces 5 là pour aujourd’hui : on les enfermera au Château , où ils auront tout le loisir d’évoquer , dans son décor , le drame du 4 septembre .
L’opération , malheureusement , n’a pu se faire sans bruit et les autres coupables n’ont pas tardé à être avertis : Petit, le fripier , s’est enfui aussitôt vers la campagne ; Berton,alerté par un sieur Carron , disparaît de son côté ; Gallet et Beauchet font de même , mais pour celui-ci, l’affaire tombe bien mal , car le lendemain matin , il doit justement se marier , à Verdrets…
Dès l’aube , accompagné cette fois seulement du gendarme Dancoigné,-l’épicier de la rue St Nicolas-, le brigadier Sénégal s’est remis en campagne,-mais , maintenant , tous les nids sont vides : chez Petit, au marché , sa femme Thérèse est seule et ignore ce qu’est devenu son mari ; on se consolera de cet échec en saisissant dans la boutique un fusil de munition qui doit certainement « appartenir à la Nation « ; au moulin Douillet , où travaille Berton , personne ne sait ce qu’il est devenu ; chez les Gallet , Jacques avoue la fuite de son frère aîné ; au moulin Lemaître , le patron annonce la noce de son ouvrier et, aussitôt , Sénégal décide d’aller saisir l’époux en pleine fête.
Cette fois , c’est toute une expédition dont il s’agit : Vendrets est à 5 lieues de là, en remontant la vallée de l’Ourcq , bien au-delà de Lizy ; pour mener à bien la mission , un important renfort est nécessaire : d’autres gendarmes , des hussards sont commandés et, montés sur de bons chevaux, la petite troupe s’en va …Hélas ! …Malgré toute diligence , on va , là également , faire buisson creux : Beauchet devait bien se marier aujourd’hui , mais tout a été rompu, quand on a su les poursuites contre les massacreurs.
Les braves militaires n’auront pas plus de succès à Crégy, où ils passent aussi…La Place , depuis son engagement , n’a pas donné de ses nouvelles : on ne sait même pas dans quel régiment il est incorporé.
Pendant ce temps , à Meaux, M. Godart de Saponay , debout dès 5h du matin, a fait comparaître devant lui les 5 prisonniers et a procédé à un premier interrogatoire ,-interrogatoire sommaire , qui n’a pas appris grand’chose , au cours duquel les accusés ont protesté de leur innocence, cherché , au moins , à dégager leur responsabilité , rejetant toute la faute sur les gendarmes parisiens…Le plus franc a encore été Le Redde , quand il a répondu au juge de paix :
-Je ne me souviens de rien ! …J’étais ivre et je ne peux dire ce que j’ai fait , ni si j’ai frappé …
Et il a ajouté, pensant ainsi se disculper :
-Au surplus , les blessures que j’ai reçues moi-même prouvent que j’étais hors d’état de me défendre.
Maintenant , au moins, que quelques-uns des coupables sont sous les verrous , l’information va pouvoir se développer : le soir même , toute l’enquête est déposée au greffe , aux fins de poursuites : le rôle de juge de paix est terminé , et celui du jury d’accusation commence. " |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Jeu 23 Sep - 10:26 | |
| "La mise en accusation des assassins
D’après la législation alors en vigueur , le juge de paix , pour les affaires criminelles , n’était chargé que de recueillir les premiers éléments d’une information. Un juge au tribunal du District devait ensuite les compléter et dresser l’acte d’accusation, qui était alors soumis à un jury de 8 notables , présidé par le même magistrat ; à ce jury appartenait de décider si le procès devait ou non être renvoyé devant le Tribunal départemental…
A Meaux , la fonction de directeur du jury d’accusation était, à cette époque, confiée au citoyen Jacques-François Castellas , ancien avocat au Parlement ,-un homme énergique , qui n’hésitera pas à continuer l’œuvre commencée par M. Godart de Saponay.
Malgré les charges très lourdes déjà, relevées contre les émeutiers incarcérés , le nouvel enquêteur estimera nécessaire de s’entourer de plus de renseignements encore : quantité de gens , en effet, de toutes les catégories , peuvent préciser la part qu’y a prise chaque inculpé , aider à découvrir d’autres coupables …Le premier soin du magistrat , dès le 29 janvier , est donc d’assigner, pour le lendemain soir, 8 nouveaux témoins : les officiers municipaux Sauvé, Navarre, Halbou, Cherrier, le commandant Dumey, le guichetier Lamy, l’ancien juge de paix M. de Vernon et un nommé Le Fèvre , sergent de la Garde Nationale. Auparavant , il fera subir aux détenus un long interrogatoire.
Dès 8h du matin, le 30, le magistrat , assisté de son greffier Chobert , se met à l’œuvre , et toute la journée va y passer : installé dans une des salles du tribunal , au-dessus des prisons , il y restera enfermé jusqu’au soir , sauf un court intermède , à l’heure du dîner.
Le premier, Tourluire apparaît…C’est le benjamin de la bande, mais ce jeune homme de 22 ans, parisien de naissance, limonadier de métier, officier d’occasion, a toute l’assurance que donnent de pareilles qualités réunies. Pas un instant, il ne cherche à nier sa présence au Château : son grade de lieutenant ne l’y appelait-il pas pour y maintenir l’ordre ? … Il n’a fait que suivre son commandant, les officiers municipaux ; c’est sur leur ordre qu’il a ouvert les portes de la geôle, qu’il a mis en liberté des détenus, qu’il est monté à l’infirmerie, qu’il en a fait descendre les prêtres…Il y est resté tout le temps du massacre et ne s’est mêlé de rien,-si ce n’est de protéger M. Navarre , ce « galant homme ».
Fait étonnant ! …Il a tout de même vu bien des choses et ne se fait pas prier pour les dire…Quand on lui demande s’il a reconnu ceux qui prenaient part à l’assassinat, il n’hésite pas à en désigner quelques-uns,-Aitret, Le Redde , Robert, Molat , pour lesquels il ne doit pas avoir une tendresse particulière. Les précisions qu’il donne ne manquent pas d’étonner M. Castellas…Comment, étant resté en haut, sait-il tout cela ?
Sans s’émouvoir, le jeune lieutenant répond simplement :
-Quand je suis descendu, j’ai vu que l’on agissait ainsi…
Le Redde , à 9h , lui succède …Celui-là est le plus âgé de tous, -52 ans-, et n’a rien de l’assurance orgueilleuse de Tourluire…Bonnement , gardant son système de défense , il met tout sur le compte de la boisson :
-J’étais ivre ce jour-là …Je ne me rappelle rien ! …
Il sait seulement qu’il a été blessé, qu’on l’a transporté à l’hôtel-Dieu …C’est tout ce qu’on peut en tirer , et il va même jusqu’à nier les réclamations qu’il a faites publiquement à M. Sauvé. …
A 10h, c’est le tour d’Anoyers, le carrier. Presque aussi jeune que Tourluire –il n’a que 24 ans-il n’en a pas l’aplomb et met tout sur le dos de La Place :
-Je me suis trouvé dans la bagarre, comme les autres, et j’ai vu du monde frapper sur les prisonniers…J’étais à boire avec un maître d’armes de mon pays, La Place de Crégy ; il m’a forcé à aller à la Maison Commune…Il m’a dit qu’on voulait faire sortir les prêtres, mais qu’il fallait que je les tuasse, et que, si je n’y allais, il me foutrait une volée…
Lui aussi tente de se disculper, en imputant à l’ébriété sa participation au meurtre :
-Il était environ 4h après-midi et j’avais bu toute la journée…
-Qui a payé cette dépense de boisson ?...ne peut s’empêcher de remarquer le juge.
-C’est moi qui ai payé…Je revenais de conduire des farines à Châlons…
Sur tout le reste, il garde une sage réserve…Tout juste a-t-il reconnu, parmi les émeutiers, deux hommes du faubourg St Nicolas : le cadet de la famille Mérault et le grenadier Rousset. Il a vu qu’on frappait sur les prêtres avec des fusils, des épées, des bâtons, mais quand on lui demande :
-Etiez-vous au nombre de ceux qui frappaient ?
Il répond prudemment :
-J’ai été pour frapper comme les autres , mais ayant reçu un coup de sabre , je m’en suis allé avec cela…J’ai été blessé à la main gauche, vers le pouce…
Il est déjà 11h et il en reste encore 2 à entendre…Le « manouvrier « Le Maire, dit Mérault, succède à Le Redde.
Celui-là a 27 ans et entend bien ne pas se laisser faire ; son moyen de défense sera simple : il niera tout –et rapide comme une passe d’armes, son interrogatoire se déroule :
-Avez-vous connaissance des meurtres commis aux prisons de cette ville , le 4 septembre dernier ? -Non ! … -Vous n’avez pas été à la Maison Commune , avec les nommés Goulas, Anoyers et les autres ?...Pourquoi ?... -J’y ai été, mais je n’ai rien dit, ni rien fait… -Vous n’avez rien entendu dire par personne ?... -Non ! .. -De la Maison Commune, vous n’avez pas été à la prison comme les autres ?... -Non ! …Et je n’ai ni donné ni vu donner aucun coup… -Vous n’y êtes pas venu à une certaine époque de la journée ? -J’y suis venu après mon travail, sur les 4h et demie, cinq heures. -A quelle heure en êtes-vous sorti ? -Environ trois quarts d’heure après… -Qu’est-ce qui s’est passé pendant ces trois quarts d’heure ? -J’ai vu un cadavre à terre et rien de plus. -Comment est-il possible que dans l’espace de trois quarts d’heure, vous n’ayez été témoin de rien ? -C’est comme cela ! …
D’un ton sec , l’individu cherche à mettre un terme à ces questions qui l’exaspèrent…Mais M. Castellas insiste et veut tirer au clair un autre fait : Mérault ne peut nier qu’il a promené dans les rues , une des têtes, au bout de sa pique…Pourquoi s’est-il chargé de cette « commission « ?
Qu’à cela ne tienne ! …Est-il permis de se séparer d’une arme qu’on vous a confiée ? –et , longuement , l’inculpé raconte cette petite histoire :
-En étant dans la cour de la prison , le citoyen Sauvé m’a donné une pique et m’a chargé de conduire un prisonnier à la ville , pour le différer , ce que j’ai fait …En rentrant , deux ou trois volontaires se sont jetés sur moi et ont voulu m’arracher ma pique. Je m’en suis défendu , en disant que je ne la rendrais qu’à ceux qui me l’avaient donnée…Alors , on m’a mis au bout la tête du premier cadavre , et, pour ne pas abandonner ma pique, j’ai promené la tête qui était au bout…
Un tel respect de la consigne mériterait presque une récompense ; le triste sire semble tout étonné , au lieu de recevoir un compliment , de s’entendre demander :
-Vous n’êtes pas repris de justice ?...
Sur sa réponse négative , on le ramène à la prison et , le dernier de tous , le boucher Goulas , -un homme de 28 ans –est introduit.
Lui ne niera pas qu’il a assisté au massacre , mais il prétend n’y avoir pris la moindre part…Garde National, en faction à la porte St Nicolas, il a été entraîné par des Parisiens qui lui disaient : -Ah ! Voilà encore un citoyen qui viendra avec nous ! …
Il les a suivis , est allé avec la foule au Château et a obéi aux ordres de ses officiers, Aitret et Musel , qui faisaient ranger en haie leurs hommes …IL est resté au second rang et a seulement regardé ceux qui le frappaient ; il ne serait pas intervenu , si l’abbé Meignien n’était tombé près de lui et ne l’avait mordu à la jambe : pour lui faire lâcher prise , il l’a repoussé avec la crosse de son fusil…Ensuite, il s’en est allé et n’a rien vu de plus…Il n’a même reconnu personne. Et comme le juge s’en étonne, il répond :
-Si j’étais resté plus longtemps , j’aurais pu les reconnaître …
Là-dessus, à une heure environ , M. Castellas lève la séance et va prendre son repas…Somme toute, ce long interrogatoire n’a pas appris grand’chose,-à part quelques noms nouveaux d’émeutiers. Du mieux qu’ils ont pu , les inculpés ont nié, se sont disculpés , ont au moins trouvé des circonstances atténuantes…A les entendre, tout le récit , pourtant si précis , qu’a fait le jeune Hébert , n’est que pure imagination.
Malheureusement pour eux, les dépositions qui vont se succéder, à partir de 3h de l’après-midi jusqu’au soir, puis les 4,5 et 6 février, confirmeront de point en point, ce tragique récit, et la culpabilité de chacun des meurtriers se précisera, telle que nous l’avons racontée…
On sent , en relisant ces témoignages , que la plupart de ces hommes ont été dépassés par les événements que, pleins de bonne volonté, du désir d’empêcher l’effusion de sang, ils n’ont pas été de taille à lutter contre la populace déchaînée .
-J’avais perdu la tête, dès l’arrivée du monde dans la cour, explique Lamy …Je n’ai pu distinguer personne dans la foule et je me suis retiré auprès du feu , après être descendu avec les prêtres et Tourluire…
-Mes forces m’ont abandonné, reconnaît M. Halbou…Je n’ai reconnu personne…Leurs contorsions, leurs cris furieux, leur agitation, ainsi que leurs propos menaçants, avaient absolument distrait mon attention.
Tous , même en avouant leur impuissance , apportent une aide précieuse à l’enquête…A la fin , leurs dépositions se répètent , n’apprennent plus rien, et le juge n’entendra même pas toutes celles qui ont été prévues : marchands, artisans , bourgeois, enfants venus en curieux, sont unanimes à redire l’excitation causée par les gendarmes parisiens , le mot d’ordre lancé par quelques meneurs, le rôle joué par les inculpés ; une à une, les dénégations des misérables sont réduites à néant, et le faisceau de preuves se resserre.
Suffisamment informé, M. Castellas a maintenant en mains tous les éléments nécessaires pour rédiger l’acte d’accusation qu’il transmettra au jury. Le 6 février , il mène à bien ce délicat travail , dans lequel , après avoir rappelé les faits, la procédure , les preuves en résultant , il conclut qu’il s’agit d’un délit « commis méchamment et à dessein » ; les jurés auront donc à se prononcer s’il y a lieu d’accuser les prévenus de ce délit : Tourluire, Goulas, Anoyers, Lemaire ; Le Redde , détenus , et La Place , Berton , Petit , Nicolas Gallet et Beauchet en fuite , aucune autre inculpation n’était , pour le moment , portée.
La décision, conforme à ces conclusions, ne se fera pas attendre : dès le surlendemain, elle sera prise, solennellement, après une courte délibération , en présence de M. Hattingais , commissaire du Pouvoir exécutif.
La parole désormais est au Tribunal criminel du département ,-mais trois années lourdes d’histoire , s’écouleront avant le châtiment des assassins. " |
| | | Invité Invité
| | | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Jeu 23 Sep - 11:46 | |
| Il reste encore trois chapitres qui oscillent au yoyo... Cette histoire, quel rebondissement ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Ven 8 Oct - 17:08 | |
| "L’annulation des Poursuites
Le 4 février 1793, le Moniteur Universel a publié , dans ses « Nouvelles de France » l’entrefilet suivant :
« On a arrêté à Meaux , dans la nuit du 27 au 28 janvier , 8 personnes prévenues d’avoir été acteurs dans les massacres de Septembre . »
On conçoit l’émoi qu’a soulevé pareille information dans les milieux terroristes : telle quelle , incomplète , erronée même , puisqu’on oubliait d’y spécifier qu’il s’agissait d’individus compromis dans les troubles de Meaux et qu’on annonçait 8 arrestations au lieu de 5 réellement exécutées , cette nouvelle était grosse de menaces. Jusqu’ici , le décret , voté par surprise le 20 janvier , était resté lettre morte. Que n’arriverait-il si on se mettait à l’appliquer dans la France entière , à Paris principalement , où tous les membres du Comité de Surveillance de la Commune , tous plus ou moins compromis , étaient au premier rang des pionniers de la Révolution ? …
Ainsi s’explique le chaleureux accueil que vont rencontrer au club des Jacobins , les émeutiers de Meaux.
Alors en effet , qu’on continue à les rechercher en Seine et Marne , -le 2 février encore, une inutile descente de police a été pratiquée , à Condé Saint Libiaire , chez un blanchisseur soupçonné de cacher Petit, -celui-ci et son co-accusé Gallet se promènent bien paisiblement dans la Capitale ; quoique n’étant pas inculpés , Aitret , Lenoir et Robert s’y sont aussi réfugiés : conscients de leur responsabilité , menacés d’être pris, ces tristes personnages ont jugé prudent de disparaître , au moins momentanément , du théâtre de leurs exploits.
-Qui n’avait pas peur d’aller alors en prison ?....dira plus tard l’un d’eux.
Les trois premiers ne tardent pas à se retrouver ; ensemble , ils fréquentent les sections , les clubs , beaucoup de cabarets , puis au bout de quelques jours , ils entrent en relations avec le père de Tourluire, poêlier –ferrailleur rue cadet , au faubourg Montmartre , -un « pur « comme son fils.
Tout en trinquant , ces bons républicains examinent la situation , se communiquent leurs craintes , cherchent les moyens de se tirer de ce mauvais pas.
-J’ai été chez le père Pépin , annonce Tourluire …Il m’a dit que votre affaire irait bien , que vous pouviez être tranquilles…
Ce Pépin , -PA Pépin Desgrouettes, -ancien avocat , mêlé depuis le début de la Révolution , à tous les mouvements populaires , avait été juge au tribunal du 17 août. Sorti indemne de la terreur , il sera plus tard compromis dans l’affaire de la Machine Infernale et déporté aux îles Séchelles , où il mourra en 1803.
Pour l’instant , il jouit d’un gros crédit dans les milieux patriotes , et , ce crédit, il est tout disposé à l’utiliser au profit de « frères « en danger .
A la suite d’une visite que vont lui faire , dans les premiers jours de février , les 4 compères , il leur dit :
-Trouvez-vous ce soir aux Jacobins. Je vous ferai entrer….Un membre fera une motion pour qu’on présente une pétition en votre faveur à la Convention Nationale.
Bien entendu , Petit, Aitret , Gallet , le père Tourluire , sont exacts au rendez-vous et pénètrent ainsi dans le sanctuaire de la rue St Honoré…Que se passa t-il alors ? …Les procès-verbaux sont muets sur les débats auxquels l’affaire donna certainement lieu ; la conclusion seule en est connue : une délégation de 30 à 40 membres ira , le 8 février , présenter à l’Assemblée une pétition en faveur des malheureux patriotes de Meaux ; le citoyen Roussillon , -un électeur de la section de Marseille , qui s’enorgueillit du titre de « commissaire du Pouvoir Exécutif « -, présentera ces « Défenseurs de la République une et indivisible de tous les départements » et rédigera l’adresse.
Buzot , dans ses Mémoires , a tracé un saisissant tableau des députations qui, journellement , défilaient à la Convention : « …Quelles députations , grand Dieu ! …Il semblait qu’on eût cherché , dans tous les dégorgeoirs de Paris et des grandes villes , ce qu’ils avaient partout de plus sale , de plus hideux, de plus infect. De vilaines figures terreuses , noires ou couleur de cuivre , surmontés d’une grosse touffe de cheveux gras , avec des yeux enfoncés à mi-tête ; ils jetaient avec leur haleine nauséabonde , les plus grossières injures , au milieu de cris aigus de bêtes carnassières … »
Il est permis de penser que la bande amenée , le 8, par le citoyen Roussillon devait assez répondre à ce portrait , composée qu’elle était de partisans des pires violences , de ceux qui avaient été septembriseurs et étaient maintenant les sans-culottes.
C’est une véritable apologie des massacres que va présenter leur orateur. Admis à la barre , il commence aussitôt par rappeler les résultats accomplis : l’insurrection de Paris contre « une Cour perfide » , le « despotisme « terrassé , le Roi « assassin » détrôné , mort depuis sur l’échafaud. On pouvait croire qu’une telle leçon « ferait trembler les ennemis de la Liberté « , mais ils n’en étaient que plus audacieux : un Représentant venait d’être assassiné ; d’autres étaient menacés , et c’était ce moment qu’on choisissait pour rendre un décret ordonnant de poursuivre les « prétendus acteurs » des journées de Septembre. Habilement , alors, l’orateur évoquait l’atmosphère tragique : la crainte d’une seconde évasion du Roi , la liberté possible des « scélérats » détenus dans les prisons, leur entente certaine avec les « chevaliers du poignard » pour égorger les patriotes .
-…Le premier mouvement de ceux qui s’armèrent pour aller à la rencontre des satellites de Brunswick fut de mettre leurs femmes et leurs enfants à l’abri de toute atteinte : ils se portèrent aux prisons , punirent les conspirateurs , et mirent en liberté les innocents ; libres après cela de toute inquiétude , ils marchèrent fièrement à l’ennemi…
Sans doute de tels évènements étaient déplorables , mais « si la morale les réprouvait , la politique les justifiait « …Peut-être même des innocents avaient-ils été frappés : « s’il en avait péri , était-ce au peuple qu’il fallait s’en prendre ?... » Et qui voulait-on poursuivre ?...
-…Est-ce le peuple de Paris et les fédérés ?....Vous aurez alors 80 000 hommes à punir….Est-ce une poignée de brigands solides , comme le prétendent les aristocrates et les modérés ? …Dans cette hypothèse , le peuple serait encore complice , puisque par son silence , il aurait adhéré à leurs exécutions …
Cette procédure « ridicule » n’était qu’un « échafaudage contre-révolutionnaire , bâti par les ennemis de la République … » Il était intolérable qu’elle pût subsister , le décret devait être immédiatement rapporté :
-Vous le devez au peuple , encore plus à votre gloire …
Et, en arrivant au fait précis de Meaux, Roussillon concluait :
-…Plusieurs de nos frères sont dans les fers , et prêts à perdre la vie. 50 pères de famille ont abandonné leurs femmes et enfants pour se soustraire aux persécutions des traîtres qui, au nom de la loi , veulent assassiner le peuple….Nous demandons donc que vous ordonniez que nos frères de Meaux soient mis en liberté , en vous observant qu’il existe une loi qui annule toutes les procédures faites et à faire pour cause de Révolution …
A plus d’une reprise , des « mouvements divers » ont accueilli cette harangue …Il n’en faut pas davantage pour dresser à nouveau , les uns contre les autres , Montagnards et Girondins, les premiers ne se cachant plus d’approuver les massacres , les seconds les réprouvant hautement.
Bréard élu président la veille au soir, occupe le fauteuil pour la première fois ; homme du centre , fluctuant et timoré , il espère couper court au débat, en assurant les pétitionnaires que leur motion sera examinée par la Convention :
-Si vos réclamations sont justes, promet-il , vous ne pouvez douter qu’elle n’y fasse droit…, et , conformément à l’usage , il les admet aux honneurs de la séance.
Les Jacobins n’entendent pas qu’on enterre ainsi la question : elle est posée , il faut la résoudre, et Albitte , Bourbotte , Poultier , Bentabole, d’autres encore , réclament le rapport du décret …Jean Bon Saint André , en une improvisation brillante les appuie :
- …Montrez-vous grands et généreux ! …Pardonnez à des hommes dont les mains se sont , il est vrai , souillées de sang, mais dont les intentions étaient pures ! …
On voit alors Lanjuinais, l’éloquent député d’Ille et Vilaine , se dresser contre une telle prétention : violemment , il s’en prend aux Jacobins , d’où viennent sans cesse les « provocations aux émeutes « ; partant de là , il fait tout le procès des massacres de Septembre : ils n’ont pas été , comme on tente de le faire croire , l’effet d’émeutes populaires spontanées ; il y a eu « un complot de 5 ou 6 tyrans , exécuté par quelques brigands stipendiés , -complot inutile à la liberté … » :
-…Il est connu que les listes furent dressées par les hommes en place ; on sait par quels ordres les victimes furent amoncelées dans les prisons ; on sait que les bourreaux salariés recevaient 100 sous par tête , et des registres de la Commune portent en ligne de compte le prix de ces forfaits…
Puis, évoquant les assassinats commis en province , il les montre déchaînés par la fameuse lettre du Comité de Surveillance de Paris aux municipalités , -cette lettre dont le sens était : « Nous avons tué, tuez ! Nous avons massacré , massacrez ! … »
Des interruptions furieuses de la Montagne accueillent ces paroles ; c’est au milieu du tumulte , des menaces , que Lanjuinais continue son discours , insiste pour les poursuites , demande l’ordre du jour pur et simple sur la pétition.
Des voix réclament que la discussion soit close , mais les passions sont déchaînées …Chabot monte à la tribune , cherchant à dévier le débat , en faisant appel au sentiment patriotique : pour trouver les vrais coupables , il faudrait entendre tous les complices , tous les témoins du drame, dont beaucoup sont aux frontières .
-…Eh bien ! Ordonnerez-vous des poursuites contre ces héros de Jemappes qui ont sauvé la patrie ? Flétrirez-vous la mémoire de ceux qui sont restés sur le champ de bataille ?...
Un autre orateur cherche à tout concilier : il propose de « surseoir aux poursuites contre ceux qui sont présumés avoir fait le massacre du 2 septembre , mais que la procédure continue de s’instruire contre les auteurs et les provocateurs de ces assassinats « ; Duroy , après lui, insiste pour » qu’on jette un voile épais sur ces déplorables journées « ; un autre député clame :
-Tandis que nous délibérons sur les massacres du 2 septembre , les Prussiens avancent ! …Vous en serez responsables !
De plus en plus fort , la Montagne demande la clôture du débat ; Lamarque propose le renvoi au Comité de Législation, mais en même temps , provoque la Gironde : de ses bancs des députés s’élancent , menaçants , cherchent à escalader la tribune , réclament un rappel à l’ordre …Au milieu de ce vacarme , le président se sent débordé , veut résumer le débat , mais Legendre excite encore les esprits , en hurlant :
-Les auteurs des massacres du 2 septembre sont ceux qui ont livré Longwy et Verdun ! …
Longtemps encore , au milieu d’une agitation croissante , on discute , on vocifère , on tente de voter , sans arriver à une décision. Salle propose qu’il soit simplement sursis à l’exécution du jugement et non pas aux poursuites . Grangeneuve l’appuie , mais , quand il dit :
-Je suppose que la Convention est dans l’intention de venger les horreurs du 2 septembre …
Des murmures sans fin s’élèvent sur tous les bancs de la gauche.
Alors , railleur , le représentant de la Gironde met le comble à l’exaspération de ses adversaires :
-Je demande , dit-il , que la Convention décrète , afin que toute la France le sache , qu’il n’est pas permis ici de motiver un amendement qui contrarie les défenseurs des provocateurs des massacres du 2 septembre …
A ces mots , la Montagne est debout ; Chabot , Fabre d’Eglantine , Duhem , se précipitent vers la tribune ; Ruamps du milieu de la salle , injurie Grangeneuve , qui lui répond :
-Tu es un scélérat ! …
De toutes les travées , des voix crient :
-Président ! Faîtes cesser ce scandale !
Mais Grangeneuve continue , s’en prend à Danton :
-Le bruit a couru que ces horreurs avaient été méditées dans l’hôtel du ministre de la Justice …il importe à ce ministre que ce fait s’éclaircisse !
Il se rallie , en terminant , à la motion de la salle , que le président proclame écartée par la question préalable …Des protestations s’élèvent ; on réclame l’appel nominal, Châles intervient et , cet ex-ecclésiastique , s’attire cette algarade de Lidon :
-Président ! Imposez silence à un prêtre qui nous menace de nouveaux massacres ! …
Barbaroux , Boyer-Fonfrède , cherchent vainement à se faire entendre. On vote enfin , sans que l’atmosphère s’apaise ; La Gironde , une fois de plus , se voit battue : la majorité décrète que « les procédures relatives aux événements des premiers jours de septembre seront provisoirement suspendues et renvoie la pétition des Défenseurs de la République au Comité de Législation pour faire un rapport dans les 3 jours… »
Suivant une tradition de famille , M. Godart de Saponay assistait à cet orageux débat , voyant ainsi arrêtée l’œuvre que, courageusement , il avait entreprise …On peut imaginer le serrement de cœur qu’il dut éprouver , lui qui savait si bien quels étaient les misérables appelés à bénéficier de cette amnistie.
Ce même soir , le club des Jacobins eut l’écho de la discussion …Le bruit courait que les Girondins allaient tenter un suprême effort et pourraient obtenir l’annulation de la loi rendue dans la journée.
Thuriot mit en garde ses amis contre un tel danger : ils devaient être en mesure de rendre cette manœuvre impossible :
-Je vous invite , dit-il , à réveiller les députés patriotes de bonne heure , afin qu’ils soient rendus , à 10h précises , à la Convention , pour faire expédier le décret qui suspend la procédure contre les citoyens arrêtés à Meaux…
Cette pression réussit : le surlendemain , 10 février , le député de l’Yonne , Maure , annonce triomphalement au Club qu’on n’a plus rien à craindre désormais :
-Le Ministre de la justice , explique t-il , m’a promis d’envoyer sur le champ un courrier , pour informer le tribunal de Melun du décret suspensif…
De fait , Garat, le successeur de Danton , s’est empressé d’obéir ; en même temps , il engageait les magistrats à ne faire subir aucun mauvais traitement aux « patriotes » détenus et leur demandait , d’urgence , une copie complète de la procédure en cours , afin de la transmettre au Comité de Législation , chargé du rapport …
Il faudra plusieurs semaines pour transcrire in extenso toutes les pièces de l’instruction . ce sera le 21 février seulement que M. Hattingais, le commissaire national , pourra envoyer au ministre le volumineux dossier qui est , aujourd’hui conservé aux Archives Nationales. 4 jours plus tard, le 25 , le document sera transmis au Comité de Législation.
La Convention , le 8 février , avait bien spécifié que le rapport de cette affaire devait être fourni dans les 3 jours….Les délais de transmission du dossier , puis surtout la succession des événements allongèrent fortement ce délai : l’Assemblée avait maintenant un bien autre souci , toute absorbée qu’elle était par les dernières phases de l’ardente lutte que s’y livraient la Montagne et la Gironde ; la chute de celle-ci allait être consommée le 31 mai…
On n’avait pas oublié , cependant , les assassins de Meaux.
Après notification de leur mise en accusation , ils avaient , le 8 février , été transférés à Melun ; à l’instant même où leur cause était plaidée à la Convention , et, -on peut le dire- gagnée, ils étaient écroués à la prison départementale par l’huissier Sorel , qu’encadraient les gendarmes Dancoigné , Aveline et Faussart , -l’ancien geôlier passé , depuis peu , dans la maréchaussée. Le lendemain , 9 , un juge du Tribunal Criminel, M. Picault , avait, assisté de l’accusateur public Desain , procédé à un premier interrogatoire , et , sans savoir encore que la procédure à leur égard était suspendue. Goulas, Anoyers , Tourluire, LE REdde et Mérault s’étaient de leur mieux défendus contre les terribles charges relevées contre eux, niant , certains , toute participation, mettant le peu qu’ils avouaient sur le compte de l’ivresse et de la contrainte exercée par les gendarmes parisiens , dénonçant au contraire leurs camarades en fuite , Gallet et Aitret.
Depuis , dans l’attente d’une décision de l’Assemblée , ils étaient restés détenus. Ce fut alors que Goulas mourut , dans son cachot , échappant ainsi au châtiment qu’il méritait .
Le 19 juillet enfin, le député des Landes , Dartigoeyte , donna lecture à la Convention du rapport si longtemps attendu ; sans débat , l’annulation totale de la procédure instruite fut décrétée : en conséquence , les détenus impliqués dans les poursuites devaient , sur le champ ,être mis en liberté.
Tourluire , Anoyers , Le Redde et Mérault virent sans doute , dès le lendemain s’ouvrir les portes de leur geôle …On ne dit pas si les Jacobins melunois les portèrent en triomphe…Il est à croire seulement que Le Redde et Mérault se rendirent, à peine délivrés , coupables de quelque méfait , car , le soir du 20 juillet , ils furent réincarcérés sur l’ordre de M. Desain, réincarcération toute provisoire , dont nous ignorons la durée : ils ne tardèrent pas , en tout cas , à rentrer à Meaux , où nous les retrouverons. " |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Ven 8 Oct - 19:37 | |
| "L’incarcération des magistrats
Deux années bientôt ont passé depuis que Tourluire et ses amis ont été remis en liberté –deux années qui ont vu la France bouleversée par les plus effroyables convulsions…Le printemps de 1795 est venu , et nous retrouvons , occupant le même poste qu’en 1793 , M. Godart de Saponay ,juge de paix à Meaux ; M. Desain ne tardera pas , de son côté , à reprendre son poste d’accusateur public près le Tribunal criminel départemental …L’un et l’autre ont franchi indemnes la Terreur , mais il s’en est fallu de peu qu’ils ne fussent envoyés à la guillotine .
A vrai dire , ce département de Seine et Marne a été un des moins touchés par la grande tourmente et peu nombreuses ont été ses victimes : il a eu la chance de ne point se trouver sur le passage d’un de ces proconsuls , qui ont ensanglanté tant d’autres régions…
Celui que la Convention a envoyé , après la chute des Girondins , était un ancien médecin de Montbrison, député de Rhône et Loire , le citoyen Pierre Dubouchet …Régicide , jacobin convaincu , en même temps que patriote ardent , il a tout fait pour maintenir , dans la population qu’il avait charge de « régénérer » , l’esprit républicain le plus pur , sans recourir toutefois aux mesures d’extrême violence . Le compte –rendu de sa mission , présenté à la Convention à la fin de novembre 1793, le peindra tel qu’il était : important, gonflé d’orgueil , plein de son autorité , aimant à se pavaner dans son costume de représentant du peuple , bon homme au fond, et se contentant , sans leur vouloir plus de mal , d’enfermer ceux qu’il supposait hostiles au régime.
Après ce premier passage , en juillet 1703, avec son collègue Maure, Dubouchet est revenu seul cette fois , en septembre et c’est à ce moment qu’il s’est efforcé de revivifier l’esprit public . Deux hommes , nommés par lui ses « commissaires » , l’ont grandement aidé dans cette tâche : l’ex-abbé Claude-Louis Métier , ancien curé de Saint Liesne de Melun , devenu président de l’Assemblée départementale , et un bourgeois de Chelles , membre de cette même assemblée , le citoyen Jacques –Annet-Benoît Duportail .
Grâce à l’activité de ces trois personnages , les prisons du pays n’ont pas tardé à se remplir de nobles, de bourgeois suspects , de magistrats accusés de modérantisme, de fonctionnaires révoqués , de municipaux destitués , de fripons aussi, car , honnête homme , le Représentant ne badinait pas avec ceux qui volaient la Nation.
Précédant son patron de quelques jours, Duportail est arrivé à Meaux le 5 octobre …Depuis les tragiques événements de septembre 1792, la petite ville , dont M. Navarre était devenu le maire , ne s’était plus départie de son calme : la Société populaire y était composée de bourgeois paisibles et modérés , qui cherchaient à dissimuler leurs véritables opinions sous des motions teintées parfois de violence ; au club de sans-culottes, dans le faubourg Cornillon et un club d’Hommes libres , dans celui du Marché , se contentaient de quelques vexations sans graves excès . Le Comité de Surveillance lui-même, établi en vertu du décret du 21 mars 1793, était composé des mêmes notables qui, jusque-là , avaient siégé à la Municipalité et au District.
Le premier soin du Commissaire , en débarquant dans la capitale de la Brie, a été de « régénérer « ce Comité qui, jusqu’ici , n’avait emprisonné personne.
L’opération à laquelle il a procédé lui-même n’était pas encore bien grave , puisqu’on retrouve dans le bureau des figures connues , comme celles de MM Gouest , Dumey, Le Clerc, et autres hommes paisibles , sous la présidence du citoyen Pelletier , avoué au Tribunal et ancien conseiller à l’Election.
D’eux , cependant , on a exigé une action révolutionnaire –et , en premier lieu , l’incarcération des suspects . Le premier désigné –l’homme qui avait voulu sévir contre les assassins de septembre méritait bien cet honneur.- a été M. Godart de Saponay, qui, le 15 vendémaire an II ( 6 octobre 1793 ) , avait été suspendu de ses fonctions de juge de paix…Avec lui , on a incarcéré son collègue dans les poursuites , le juge Castellas , et celui qui s’était refusé à signer le certificat de bien-vivre des gendarmes parisiens , M. de Vernon .
L’évêque , mal à l’aise dans le grand palais rempli de l’ombre de Bossuet , en avait déménagé : ce palais a été transformé en geôle. Dans la salle du rez de chaussée , aux arceaux de pierre supportés par les massifs piliers du XIIe siècle , les prisonniers ont été enfermés ; « ceux que le Comité révolutionnaire jugeait inciviques « , suivant l’expression de M. Navarre , ont été internés au premier étage , dans la salle synodale.
C’est là que M. Godart de Saponay a passé quelques mois , dans une détention qui semble avoir été assez douce ….D’après les souvenirs de sa famille , il avait pu faire apporter de chez lui les meubles dont il avait besoin ; la nourriture lui était apportée par les siens , et sa femme était autorisée journellement à lui faire visite , lui amenant ses deux petites filles , l’une âgée de 3 ans , l’autre d’un an. L’une de celles-ci devait épouser le colonel Callory et être la grand-mère du Comte G. Mareschal de Bièvre.
La situation n’en était pas moins alarmante ; il suffisait d’un rien pour la rendre désespérée …Ce rien faillit se réaliser quand il fut question de déférer l’ancien juge de paix , avec les membres du District , au jury d’accusation , pour avoir laissé , par leur négligence , disparaître toutes les immenses richesses de l’abbaye de Chelles.-Ce premier danger écarté , une autre menace persistait : la Terreur s’intensifiait ; le Tribunal Révolutionnaire de Paris s’approvisionnait maintenant dans les prisons provinciales ; celui de Seine et Marne livrait alors Bailly , l’ancien maire de Paris , et quelques habitants de Coulommiers ; il suffisait d’une dénonciation adressée à l’Accusateur Public ou au Comité de Sûreté Générale, pour y être envoyé…M. Godart de Saponay , en butte aux haines des Jacobins locaux, devait être particulièrement visé , mais , -toujours d’après la tradition familiale , Fouquier-Tinville se refusa de poursuivre son ancien collaborateur ; celui-ci dut à cette protection d’avoir la vie sauve ."
Incroyable ! Le seul geste d'humanité de Fouquier-Tinville, qui l'eut cru ? |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 9 Oct - 5:52 | |
| Pierre Dubouchet
http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num... -
Cliquez sur Histoire et Patrimoine |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 9 Oct - 11:09 | |
| Mais que vous est-il arrivé ? Vous avez sauté du lit ou vous ne vous êtes pas du tout couchée ? |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 9 Oct - 12:32 | |
| Souvent , je ne dors même pas mes 8h ...Et chaque matin, je me lève de très bonne heure. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 9 Oct - 17:16 | |
| "Au même moment , tandis que Duportail faisait à Meaux la chasse aux suspects , son collègue , l’abbé Métier , remplissait le même office à Melun , et M. Desain était une de ses premières victimes ; le 13 octobre , il a été appréhendé et conduit à Fontainebleau : n’avait-il pas commis le crime impardonnable de donner l’ordre d’informer contre les « patriotes « de Meaux , et depuis , ne s’était-il pas refusé à emprisonner les contre-révolutionnaires , signalés par les sans-culottes ?
Peu après , le 3 novembre , Dubouchet a été rappelé à la Convention , et son départ a mis fin au règne de Duportail et de Métier …Bien que la Terreur connût à ce moment , ses heures les plus tragiques, le département de Seine et Marne est, au contraire , rentré dans une ère d’apaisement , grâce à l’influence de l’évêque et à la modération du Représentant Maure , revenu pour la seconde fois, dans la région.
Le premier , M. Castellas sortira de prison , le 6 pluviôse an II ( 25 janvier 1794 ) ; M. Godart de Saponay sera libéré , à son tour , le 12 ventôse ( 2 mars 1794 ), et ses fonctions de juge de paix lui seront bientôt rendues ; M. Desain restera détenu le dernier : il ne recouvrera son siège d’accusateur public qu’à l’automne de 1795.
Avant cela , les poursuites contre les assassins de Septembre auront été reprises.
Au début de Germinal an III ( fin mars 1795 ), le conventionnel Soulignac est en mission dans la région de Meaux , où , avec ses collègues Froger, Lequinio et Jacomin , il surveille la circulation des subsistances . Le député de la Haute Vienne est un homme intègre et modéré , qui , jadis , s’est refusé à voter la mort du Roi , se séparant ainsi de la plupart de ses amis Girondins ; avec eux , il a été décrété d’accusation , emprisonné et , heureusement échappé à la guillotine, n’a recouvré sa liberté qu’après la chute de Robespierre ; il est rentré à l’Assemblée , avec ses collègues prescrits , le 18 frimaire an III ( 8 décembre 1794 ).
Depuis lors , aucune mesure législative n’est venue modifier celle du 19 juillet 1793 , et , pourtant , le Représentant donne l’ordre de mettre en arrestation les massacreurs . On est , à ce moment , il est vrai , en pleine réaction thermidorienne : la poursuite des terroristes , des « buveurs de sang » , comme on les appelle , est à l’ordre du jour. Sans doute , à Meaux , les langues se délient-elles , la réprobation enveloppe t-elle les misérables , qui ont échappé jusqu’ici à tout châtiment ; Soulignac accorde ainsi une juste satisfaction à l’opinion publique , et il est permis de penser que l’action de M. Godart de Saponay n’a pas été étrangère à une telle décision.
Dans quelle mesure , cet ordre fut-il exécuté ?...Aucune pièce ne le précise ; il semble que , seuls , Nicolas Gallet, Petit et Lemaire , -le sinistre Mérault –furent arrêtés …Beaucoup du reste du reste de ces meurtriers ont disparu : Goulas , nous l’avons dit , est décédé à Melun , en 1793 ; Liévin , parti aux Armées , y a trouvé également la mort , on ne sait où . D’autres , qui vivent toujours , sont disséminés : 4 , dit-on , sont à Paris : Aitret y a été aperçu , mais on ignore son domicile , ainsi que celui de Berton , qui travaille dans un moulin quelconque ; Tourluire passe pour demeurer dans une maison appartenant à son beau-père , dans les environs des Percherons et de la Nouvelle France ; Lenoir doit habiter chez son beau-frère Leclerc et exercer son métier de boucher , achetant veaux et bœufs , les abattant , vendant la viande en gros à la Halle. Parmi les autres, Beauchet est dans un moulin de la vallée de l’Orge , sans qu’on connaisse son adresse ; La Place et Anoyers , enfin , sont à l’armée du Nord.
Le 4 messidor seulement ( 22 juin 1795 ), un décret est voté par la Convention : les tribunaux criminels départementaux connaîtront immédiatement des crimes de meurtres et d’assassinats , commis dans l’étendue de la République depuis le 1er septembre 1792 ; les auteurs ou complices de ces crimes seront arrêtés sur le champ et acte d’accusation sera aussitôt dressé. "
Nous en arrivons au dernier chapitre qui va voir les méchants punis. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 9 Oct - 17:36 | |
| Youpiiii J'aime quand les méchants récoltent ce qu'ils méritent. Comme disait à une certaine époque un acteur que tout le monde adore : " Je te retrouverai Fantomas.... Et tu seras puniiiiiiiiiiiiiiii !! " Et... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 9 Oct - 17:47 | |
| |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 9 Oct - 17:52 | |
| |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Révolution et violences Sam 9 Oct - 17:54 | |
| |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Révolution et violences | |
| |
| | | | Révolution et violences | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |