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 Révolution et violences

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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeVen 10 Sep - 12:50

"Les vains efforts des autorités

« Quand le tambour Déchevery était revenu à l’hôtel de ville , sur les 3 heures , sans avoir pu lire sa proclamation , il n’avait trouvé personne . Croyant l’insurrection terminée , les membres de la Municipalité et du District étaient rentrés chez eux et aucun n’était revenu ; seul, dans l’immeuble , le concierge Betterstroffern cherchait à y remettre un peu d’ordre.

Peu après , cependant , deux membres du Département , le procureur syndic, M. François Godart , et un de ses collègues , M. Bouchon , s’étaient présentés ; délégués par leur Assemblée , ignorant tout des évènements de la matinée , ils venaient de Melun pour étudier , avec les corps administratifs de Meaux et les commissaires des guerres , l’organisation du camp en préparation …

Depuis , MM. Navarre et Le Clerc étaient arrivés : un « pressentiment « avait ramené le premier , et quelqu ‘un avait prévenu le second que l’agitation recommençait : ils étaient aussitôt accourus à leur poste et, chemin faisant, avaient prêché le calme aux groupes nombreux rencontrés , s’attirant parfois de menaçantes ripostes , comme celle-ci , lancée au procureur de la Commune :

-Si tu ne livres pas les prêtres, on te coupera le cou ! …

C’est devant ces deux édiles que se trouve Faussart , en entrant dans la salle des délibérations, suivi d’une bande de braillards . Presque en même temps, d’autres élus , également alertés , font leur apparition : M. Berthe, qui, dans l’intervalle , est allé commander des voitures pour le transport des prêtres au chef-lieu, MM Cherrier , Sauvé, Halbou, M. Gouest et un certain nombre de membres du District.

Tous s’efforcent de calmer la foule , qui grandit d’instant en instant….Des gendarmes parisiens y sont mêlés et continuent leur rôle d’excitateurs ; sans vergogne , ils arrêtent au passage les autorités et les interrogent : M . de Vernon doit ainsi s’expliquer sur sa conduite depuis le 10 août ; sans cesse , ces hommes reviennent sur les massacres de Paris, s’étonnent de ce qu’ils n’ont pas été exécutés à Meaux .

On sent pourtant qu’ils évitent de se mettre au premier rang : ils laissent agir , maintenant , les Meldois …ceux-ci avec des énergumènes comme Tourluire , Goulas , Anoyers , Mérault , sont en bonnes mains .

Vainement , M. Le Clerc cherche à se faire entendre …Plus heureux , M. Gouest peut placer quelques mots , mais violemment , on l’interrompt :

-Vous commencez , par vos discours , à lasser notre patience ! …Si tu ne finis pas , ta tête en répondra ! …
-Je ne le crains pas ! …répond , sans se troubler , le procureur du District .

Des hurlements l’empêchent de poursuivre …

M. Navarre , qui se sait très populaire , propose à son tour , de tenter un effort , sans écouter le commandant Dumey , qui lui murmure :

-Je n’ai pas de conseils à donner à un juge , mais , contre la force , il n’y a pas de résistance …

Il sort de la salle , ceint de son écharpe, et s’avance au plus épais de la cohue , jusque dans la ruelle de la prison qu’on désirerait voir dégager …Monté sur une chaise qu’il s’est fait apporter , il peut , pendant quelques instants , se faire écouter .

-Séparez-vous …s’écrie t-il , presque en implorant –Respectez la loi ! ….Vous devez être satisfaits, puisque ce soir même , les prêtres réfractaires vont être transportés à Melun.

Et à ces exhortations , il ajoute « ce qui peut lui venir à l’esprit , relatif à la soumission à la loi et pour prévenir les atteintes qu’on pourrait lui porter … »

Tout de suite, le futur maire de Meaux sent l’inutilité de sa tentative…Il a , comme il le dira plus tard , l’impression de ne parler qu’à des sourds ». …Résigné , voyant qu’il n’y a rien à faire , il se résout à descendre , à se retirer .

Une petite porte , nous l’avons dit, s’ouvre dans le mur de l’Hôtel de ville et permet d’y entrer directement du cul de sac. Au moment où M. Navarre va en franchir le seuil , pour rejoindre ses collègues, il aperçoit un inconnu qui, pointant sa pique, s’apprête à le frapper .
Froidement , le regardant bien en face , il l’interpelle :

-Vous n’avez pas honte d’agir ainsi vis-à-vis de votre représentant ?



Et l’autre, dans un état d’ébriété manifeste , balbutie :

-Je ne voulons pas qu’ils partent ! …

M. Navarre lui ferme la porte au nez et rentre dans l’édifice , la mort dans l’âme, ne sachant plus quel parti prendre…"
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeVen 10 Sep - 13:13

"Membres de la Municipalité et du District sont maintenant presque au complet ; les deux représentants du Département n’ont pas voulu abandonner leurs collègues ; le juge de paix , M. de Vernon , est là aussi , ainsi que les chefs de la Garde Nationale :M. Dumey, le commandant et son adjudant-major, MB Chaurron. Dans le tumulte grandissant , sous les huées , sous la menace des armes de toutes sortes , l’Assemblée délibère …


Il reste un dernier moyen à tenter : la réquisition de la force publique…En ce qui concerne les gendarmes, il est à craindre qu’il n’y ait rien à faire , puisque , depuis le matin, ils apparaissent au contraire , comme les principaux meneurs de l’affaire : leur colonel , du reste , est invisible et on n’a pu le joindre. A son défaut , on s’adressera à ses officiers et M. Le Clerc lui-même se charge de cette mission .

Le premier qu’il rencontre se récuse aussitôt , déclarant son impuissance :

-Mes soldats sont disposés à répandre le sang ! …Je les connais…Je ne peux pas répondre d’eux ….Je courrais moi-même des risques pour ma vie si je tentais de les retenir…

Ainsi rebuté , le procureur de la Commune ne perd pas courage . Continuant son chemin , il arrive sur la place Saint Etienne et de là, devant la cathédrale , rencontre le capitaine des cannoniers de la division : il lui présente la réquisition formelle de la Municipalité , mais l’autre ne veut rien entendre :

-Je ne suis pas venu à Meaux , répondt-il brutalement pour me battre contre le peuple…Je vais aux frontières…On peut s’arranger avec la Garde Nationale !

Force est de retourner vers celle-ci …Rentré à l’hôtel de ville , le procureur de la Commune formule réquisition à son chef ; le greffier Jaumin la rédige , la signe , la fait signer , mais , au moment où il va la remettre au commandant , le papier lui est arraché des mains et un inconnu lui dit :

-Malheureux ! Tu ne sais donc pas ce que tu vas faire ! …

Il transmet alors la consigne verbalement à M. Dumey : les caporaux rassembleront leurs pelotons et , sur l’heure , se rendront au Château pour y maintenir l’ordre. La violence devra être opposée à la violence.

Sans conviction , le commandant Dumey transmet ses consignes , mais bientôt , on s’aperçoit qu’elles ne seront pas exécutées –rares sont les gradés qui, comme le caporal Lenrhumé , cherchent à rassembler leurs hommes ; la plupart , au contraire, les excitent , les poussent au meurtre et de telles invites ne sont que trop bien accueillies .

A un grenadier , Martin , tonnelier du faubourg St Nicolas , M. Le Clerc se risque à adresser des reproches …Il s’attire aussitôt cette réplique :

-Retire-toi ! …Tu ne te contentes pas de nous faire manger du pain bien cher…Tu veux encore que les aristocrates nous égorgent ! …

D’autres refusent d’obéir , craignant pour leur existence et leurs propriétés. "
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeVen 10 Sep - 13:34

"-Les gendarmes , répondent-ils , ont juré de soutenir le peuple…Il y a une liste de proscription contre ceux qui défendront les prisonniers …

Aux exhortations , une réponse effroyable est donnée par certains :

-Le peuple est souverain ! …Il n’y a aucune force à lui opposer , lorsqu’il demande qu’on lui livre ses ennemis…

Devant cette émeute grandissante , le commandant Dumey se montre impuissant : on sent qu’il a peur et qu’il a perdu son autorité.

Sans doute , les jours précédents , a-t-il contribué, pour une large part , à laisser croître la colère populaire ; peut-être se rend-il compte de la responsabilité qui lui incombe et regrette t-il des paroles que répètent aujourd’hui ses subordonnés ; maintenant , devant ses excès, il voudrait réagir , mais il est trop tard…Vainement , à plusieurs reprises , il cherche à se faire obéir ; toute discipline est abolie et nul ne l’écoute . On lui répond même insolemment :

-Tu commences à nous ennuyer ! …


Abandonné par sa troupe, il se lamente , répétant à qui l’interroge , à M. Halbou , entre autres :

-Eh ! Monsieur, je sais ce qui en est …Vous ne voyez pas comme moi ce qui se passe…

Sentant que la résistance est impossible , il n’a plus qu’une idée en tête : en finir au plus vite…Justement , le lieutenant Prieur vient de luis dire :

-Il serait bien malheureux qu’une Municipalité, composée de braves gens, devint victime pour 5 ou 6 scélérats…

Sous une autre forme , il reprend l’idée et se confie au secrétaire de la Municipalité , Jaumain :

-Mon ami ! …Comment veux-tu que l’on fasse ?...Cette multitude que tu aperçois veut la mort de ces gens-là et leur résister , ce serait exposer la Municipalité à être sacrifiée…Moi-même , j’ai été maintes fois menacé …

A la fin , comme , de tous côtés , les autorités insistent auprès de lui pour qu’il tente un suprême effort , il se fâche et s’écrie :

-Eh ! Foutre ! …Je suis las de leur parler …Parlez-leur vous-mêmes ! …

Puis il déclare aux officiers municipaux :

-Si vous voulez sauver les insermentés, si vous voulez vous sauver vous-mêmes, il est temps …Je ne réponds plus de rien ! …Une plus longue résistance entraînera de grands malheurs …

A ce moment , en effet, une nouvelle vague de forcenés déferle , et les cris de mort redoublent :

-Il faut les tuer ! …Il faut les tuer ! …

Au premier rang , Goulas , le boucher , pointant un coutelas à manche de corne de cerf , rugit :

-Le premier qui sort , je lui fourre mon couteau dans le ventre !

A côté de lui , le carrier Anoyers , un petit homme vêtu de bleu, les yeux exorbités, se frappe la tête du poing, profère des imprécations et hurle :

-On me tuera plutôt que de point ôter la vie à ces gueux de prêtres qui m’ont fait tant de mal ! …Qu’on me les donne donc et que j’en finisse ! … "
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeVen 10 Sep - 15:35

"L’ancien maître d’armes , La Place brandit un énorme bâton , Mérault est armé d’une épée , d’autres gesticulent avec des haches et des piques , jurant de tuer quiconque tentera de leur résister …Tous sont débraillés , décolletés , la figure altérée , aux trois quarts ivres , et crient à qui mieux mieux :

-Qu’on nous donne les prêtres ! …Si les municipaux ne veulent pas les livrer , il n’y a qu’à commencer par eux ! …Ce sont tous des aristocrates ! …

Ceux-ci ne peuvent pourtant se résigner à abandonner les malheureux qu’ils ont enfermés , les jours précédents , sous prétexte justement de les mettre en sûreté. Les larmes aux yeux, ils finissent par supplier les forcenés –mais la colère se tourne contre eux . Anoyers , interpellant M. Halbou , lui jette cette menace :

-Si tu ne nous les livres pas, on commencera par toi ! …

M. sauvé , au même instant , voit Goulas diriger sur lui une pique , dont le boucher vient de se saisir, répétant le même mot qu’Anoyers :

-Il faut commencer par toi ! …
-Ah ! …répond non sans dignité l’officier municipal , j’aimerais mieux périr seul que de te voir faire ce que tu as envie de faire …

M . Cherrier , de son côté, tente de faire appel au passé de La Place qu’il connaît depuis longtemps :

-Comment es-tu là ? …Tu as servi avec honneur dans les dragons et tu vas te déshonorer en te portant à une pareille action ! …

A quoi , l’ancien militaire riposte durement :

-Ce sont tous des gueux ! …Tous des aristocrates ! …

Au fur et à mesure que les minutes passent , le tumulte grandit. On ne s’entend plus maintenant : sans-culottes de la ville, paysans des campagnes voisines , étrangers sont mêlés , hurlent à qui mieux mieux ; certains , pour aviver les colères, racontent les crimes dont sont coupables les réfractaires : un nommé Pommier , employé du Département , se montre un des plus acharnés contre eux. Le bourrelier Martin assure qu’ils avaient dans une armoire des poignards et des armes pour assassiner les patriotes ; le garde-ville Lelong les réclame à tue-tête , vocifère contre les autorités , leur reproche de s’opposer au meurtre des prêtres :

-Si ces coquins –là avaient le dessus, crie t-il , ils ne nous feraient pas de grâce ! ..

Visiblement , il est pris de vin …Son ami , le concierge Betterstroffern , le calme de son mieux, le menace de lui faire perdre sa place , finit par l’enfermer dans sa loge, où il le retiendra jusqu’au soir , lui évitant ainsi de devenir meurtrier .

Un groupe d’habitants de Couilly est survenu sur ces entrefaites : de passage à Meaux pour enchérir des domaines nationaux , ces gens ont entendu qu’on allait libérer les prisonniers et sont accourus , plutôt par curiosité que par haine ; ils viennent de boire nombre de bouteilles chez Aitret, le cafetier du marché , et, ayant suivi celui-ci , mêlent leurs clameurs à celles des Meldois. Tous sont fort éméchés , mais l’un d’eux surtout, Lenoir , un boucher , qui, en plus du vin , a absorbé quelques verres d’eau de vie et de liqueurs , se signale par son allure désordonnée et les grands gestes qu’il fait avec un nerf de bœuf …


C’est à ce moment que surgissent , importants comme il sied à des officiers de la Garde Nationale, les deux lieutenants , Tourluire et Petit. Non moins ivres , ils amènent avec eux toute une bande de leurs hommes , qu’ils sont allés chercher au cabaret des trois violons , où ils étaient restés à trinquer : le voiturier Chassin, le fripier Collard , le maçon Pierre Blondeau, -un borgne-, le débitant Merise ; derrière , suivent quelques autres racolés en cours de route : le charpentier Jacques Gallet , frère cadet du porte-sac , le manouvrier Vincent Lefèvre , le tisserand Lombard, le peintre Charpentier , le salpêtrier Molat ,-des « purs » qui vont dans un moment , montrer leur valeur ; la plupart sont en uniforme, armés , bonnet sur la tête ; quelques-uns , autant échauffés par la boisson que par la course , sont sans veste, col de chemise ouvert , manches retroussées…

Dans la salle , où l’on s’écrase , la chaleur est suffocante…Brusquement , on voit s’affaisser M. Le Clerc : brisé par l’émotion , la fatigue, le manque d’air, il s’est évanoui et il faut l’emporter …Quelques voix , au moment où il passe , gémissant , soutenu par deux hommes , proposent :

-Il ne faut pas le laisser sortir…Il faut le pendre !

Heureusement , ces mots se perdent dans le bruit ; le procureur de la Commune peut être ramené sain et sauf , à sa demeure.

Depuis près de trois heures , cette lutte se poursuit , inégale, entre les élus et une foule en proie à une crise de folie collective …IL faut bien que cela finisse , car les forces humaines ont des limites et s’ils ne succombent pas comme M. Le Clerc, tous les représentants de l’autorité sont à bout.

Un fait va pourtant précipiter le dénouement …Lassés de réclamer ou ayant assez d’attendre , Tourluire et Petit prennent le parti de se servir eux-mêmes…Sortant de l’hôtel de ville , suivis par une meute hurlante , ils s’engagent dans la ruelle du château , montent l’escalier , forcent la grille , pénètrent dans le logement du concierge , enfoncent l’armoire où sont rangés les clefs des cachots…Vainement , le jeune Claude Faussart et la fille Le Bœuf tentent cette fois encore , de s’y opposer ; le père, lui, a pu s’échapper , pour descendre avertir la Municipalité…Brandissant son épée , Tourluire hurle :

-Si ce gueux ne fût point parti , je lui aurais fait ce que nous allons faire aux prêtres ! …

Et , triomphant , il ouvre le portail , par lequel la foule fait irruption dans la cour intérieure de la geôle …La bousculade est telle , qu’au passage , Aitret voit sa baïonnette « tortuée comme une cuiller d’étain « .

Il est à ce moment à peu près 6h du soir. "


A lire ce récit des massacres de Meaux, on comprend mieux ce que Louis XVI et sa famille ont pu endurer...
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeVen 10 Sep - 15:40

Et sans force publique , comment résister ?
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeVen 10 Sep - 19:30

Oui le calvaire de la famille royale n'est que la pointe de l'iceberg de tous ceux qui ont souffert pendant la Révolution.
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeVen 10 Sep - 19:36

Révolution et violences - Page 7 Meaux-11
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeVen 10 Sep - 19:38

C'est un livre qui est plus dur à lire que Fabre d'Eglantine. J'en suis arrivée à la moitié du bouquin. A raison d'un chapitre par jour, j'en ai pour 10 jours . Ensuite , j'enfile sur le livre de Givet.
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeSam 11 Sep - 23:14

"La Prison Envahie

-La prison est forcée !

De bouche en bouche , la nouvelle vole , et c’est une ruée de la foule dans le cul de sac , vers l’escalier qui donne accès au château…Avant même que Faussart n’ait pu parvenir auprès d’eux, les élus ont été avertis et se précipitent vers la geôle , pour tenter un suprême effort en faveur des prêtres…
Tous,-et cette phrase , qu’ils mettront au procès-verbal , semble traduire exactement leur sentiment-, sont « déterminés à périr plutôt que de souffrir aucun attentat ». Certains d’entre eux , cependant , ne se sentent pas le courage de lutter davantage : M. Halbou , qui a 62 ans , s’est élancé , ceint de son écharpe , mais il a une défaillance , « ne peut vaincre sa répugnance « ; il restera dans la salle des délibérations , entendra de loin le massacre et, « recueillant ce qui lui reste de forces « , finira par s’en retourner chez lui ; -M. Sauvé, moins âgé pourtant , -il a 54 ans , ne quittera pas, jusqu’à la fin , la Maison Commune et assistera au retour des assassins ; -moins brave , M. Cherrier , -celui-ci a 61 ans -, prend le parti de s’éloigner tout de suite , convaincu qu’il n’y a plus rien à faire ; il rencontrera , en cours de route , de nouveaux agresseurs qui courent vers l’hôtel de ville , armés de piques…

A grand’peine , malgré la cohue furieuse qui s’y presse , les autres sont parvenus à gravir l’escalier , sois la protection de quelques miliciens fidèles , qu’a rassemblés le commandant Dumey.

Sur le palier , un individu pérore , -le salpêtrier Molat :

-Nous n’avons encore rien pu faire jusqu’ici ! …explique t-il à un officier de la gendarmerie parisienne.

A ce moment , M. de Vernon passe, entend ce propos , se retourne …L’autre , alors, se trouble , rougit et balbutie :

-Ce n’est rien ! …

Le juge de paix ne peut en obtenir davantage et rejoint ses collègues.

Seul , M. Navarre arrive à pénétrer dans la cour …A nouveau , il essaie de parler au peuple, de lui faire entendre raison ; on refuse de l’écouter et des hurlements couvrent sa voix :

-A bas ! …A bas ! …A mort ! …A mort ! …

Tourluire , malgré son excitation , a un sursaut de conscience …Usant du prestige de ses galons , il prend l’officier municipal sous sa protection :

-Quiconque , déclare t-il , manquera à M. Navarre , manquera à moi ! …

Et quand plus tard , on demandera au triste personnage la raison de cette attitude , il répondra :

-C’est parce que le citoyen Navarre était un galant homme…Les prêtres, eux, nous avaient fait assez de mal ! …

Plus de 400 forcenés se pressent , à cet instant dans la cour …Tourluire , malgré cela, parvient à dégager le futur maire de Meaux et à le faire sortir : celui-ci « ne voulant pas , par sa présence , sanctionner de pareils forfaits », redescend à la Maison Commune : il y restera un moment enfermé dans un des bureaux , puis se retirera…

Ses collègues , eux , n’ont pu le suivre , et on les a obligés à monter dans la salle du tribunal du District , -l’ancien « auditoire « du Présidial , qui, au-dessus de la prison , occupe une partie du premier étage.

Une nouvelle idée , en effet, vient de germer dans la tête de quelques-uns des émeutiers …Parmi tous ces représentants de l’autorité, qui s’acharnent à défendre les prisonniers , plusieurs sont des hommes de loi : MJB Godart de Saponay, le membre du District , est un ancien lieutenant du Présidial ; son oncle Godart aîné , qui fait aussi partie du District , était président du grenier à sel ; son cousin , M. François Godart , le procureur syndic du département , est avocat ; M. Gouest , le procureur syndic du District , est avoué ; M. de Vernon , jadis avocat du Roi , est maintenant juge de paix…Avec tous ces juristes , pourquoi ne pas constituer un tribunal ? …Le prétoire lui-même est là : on y amènera les prêtres pour être jugés. Bien entendu , la sentence ne pourra être qu’une sentence de mort.

Avec indignation , ces messieurs refusent de se prêter à une telle parodie…Sans pouvoir intervenir , réduits à l’impuissance , ils restent donc dans la vieille salle , qui conserve son décor du XVIe siècle. Avec eux des gardes nationaux , des femmes , des enfants, des bourgeois , se sont faufilés , se répandent dans les autres pièces de l’étage ; des fenêtres qui donnent sur la cour intérieure , tous ces gens vont , en spectateurs , assister au massacre. "
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MessageSujet: revolution et violence   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeSam 11 Sep - 23:30


il n'y aurait pas eu de violence, si Louis XVI avait abdiqué dès le début.
Un État qui dit représenter le peuple,
mais qui réprime, se trahit inévitablement.

La comparaison entre les hooligans et les révolutionnaires est d'une nullité sans nom. ça me fait penser aux bourgeois sociologues du XXème siècle qui étaient assez phobiques envers la foule, parce que trop subversive ( après la Commune, surtout).

Comment éviter faire une révolution sans massacre, je ne sais pas .... Danton s'est posé la même question,
je dirais, comme le dit si bien La Colette qui tient le bar de mon quartier

"on fait pas d'omelette sans casser des œufs, hein ! "

sans doute, mais, bon, des fois, on aimerait voir l'œuf et pas que la coquille.

La révolution française n'est qu'une révolte de privilégiés, en tant qu'anar, je ne m'y reconnais pas trop. Il n'y a que les droits de l'homme , mais pour des questions de rapidité administratives et pour des formalités juridiques jugées superflues quand elles s'adressaient à des aristocrates, on les a mis de côté.

Mais que fallait-il faire ? Les Bourbons ne voulaient pas signer les droits de l'homme , et il pensaient encore venir de dieu...


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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeSam 11 Sep - 23:59

"En bas , c’est toujours Tourluire qui dirige le mouvement , et on continue de l’écouter…Tout à l’heure , il a protégé M. Navarre . A-t-il , maintenant , encore un instant d’hésitation , qui le pousse , sinon à sauver les prêtres, à mettre au moins sa responsabilité à couvert ? …On pourrait le croire , car on le voit monter au Tribunal avec Faussart , comme pour donner des ordres aux officiers municipaux et à son chef le commandant Dumey…

En fait, une certaine obscurité enveloppe cet instant du drame : les récits des témoins ne concordent pas , se contredisent et le rôle de chacun est difficile à préciser.

Il est possible que, d’un commun accord , on ait décidé la libération des prisonniers de droit commun , dans l’espoir que cette mesure bienveillante apaiserait les colères populaires, y apporterait au moins un dérivatif , comme cela avait si bien réussi , le matin, pour les détenus pour dettes.

Bientôt , les deux hommes redescendent et annoncent cette nouvelle saluée d’applaudissements …Non seulement , on les laisse passer , mais les gardes nationaux dégagent l’entrée de la prison des hommes , dans l’angle nord-ouest du bâtiment ; Faussart ouvre cette petite porte et pénètre dans l’intérieur, avec son compagnon ; seuls , le lieutenant Petit et le guichetier Lamy sont autorisés à les suivre .

-Le sacré gueux ! …murmurent quelques voix en voyant disparaître le concierge. Il va les faire sauver par derrière ! …S’il le fait , sa vie est faite ! …

-Vous êtes de f…bêtes , ne peut s’empêcher de remarquer un des assistants, qui connaît la disposition des lieux. Il n’y a pas de porte de derrière : c’est le jardin de Roure.

Quelques minutes s’écoulent …Tout à coup , le guichet se rouvre : Tourluire et Petit reparaissent , encadrant un prisonnier et criant :

-Grâce ! ….citoyens…Grâce ! …

L’individu, devant cette foule menaçante qui remplit la cour , a un moment d’hésitation puis, sur l’ordre de ses libérateurs , hurle :

-Vive La Nation ! …

De toutes les poitrines , la même clameur s’élève ; entre une double haie de miliciens , le détenu s’élance vers la sortie , sans comprendre très bien , ce qui lui vaut cette ovation …

Six fois de suite , la même scène se répète ; certains détenus ont du mal à s’éloigner , gênés qu’ils sont par leurs fers …Au fur et à mesure , l’enthousiasme se refroidit …C’est très bien de libérer des vagabonds , des escrocs , des voleurs ; on n’en oublie pas pour cela les réfractaires ; des meneurs , en tout cas , se chargent de les rappeler…

Au moment où , pour la septième fois, le guichet s’entrebâille , des voix furieuses interpellent Faussart , entrevu dans le couloir intérieur :

-En voilà bien de partis ! …Tu viendras à bout de les faire sortir tous , mais nous avons sept prêtres …Tu iras les chercher toi-même , ou nous verrons !...

Et Lombard ajoute :

-Le foutu gueux les sauvera tous ! …Nous n’en aurons pas un !...Il n’y a qu’à commencer par lui ! …

On laisse pourtant encore s’échapper ce septième détenu , mais les émeutiers n’en veulent plus d’autres : leur patience est à bout , leur colère grandit , les hurlements redoublent …

-A mort ! A mort ! …Les prêtres ! …

Et, écartant les ardes nationaux, les plus surexcités : LE Redde , Goulas, Anoyers, Beauchet, Berton , La Place , se glissent au premier rang , menacent d’enfoncer le vantail , si on ne leur donne pas de satisfaction . Un petit homme se faufile parmi eux, écumant de rage , et celui-là est un étranger , un nommé Robert , que beaucoup ne connaissent même pas , arrivé qu’il est depuis peu à Meaux , où il travaille aux canons, exerçant à ses moments perdus le métier de cordonnier ; quelques autres encore se distinguent par leur vociférations , le savetier Tronson, dit Champagne, le cabaretier Aitret , le salpêtrier Molat, Rosot, les nommés Bordin-Frémin , Cordier , Broquet , Labarre , Dardinier , Musel , Nicolas Gallet surtout qui s’est emparé du sabre de son ami Bardin. Pas un gendarme , en revanche , ne se signale : ils se contentent , mêlés dans la populace d’exciter de loin les émeutiers.

L’instant fatal est arrivé …Faussart le comprend : jusqu’ici , il a fait tout son devoir , n’a pas abandonné son poste , mais comment résister davantage ?

-Les prêtres ! …Les prêtres ! …

Les vociférations arrivent à ses oreilles, les coups violents frappés à la porte redoublent , et elle ne tardera pas à voler en éclats.

Tourluire et Petit se font eux-mêmes pressants….Ils exigent à leur tour , que les geôliers livrent les ecclésiastiques :

-En voilà assez ! …ouvre-nous la porte ! F… ! Dépêche-toi, et donne-nous les clefs !...

Energiquement , le malheureux refuse ; de toutes ses forces , il résiste ; poussé à bout , enfin , se sentant faiblir , il laisse ses clefs tomber à terre , en murmurant :

-Je me trouve mal ! …

De fait, il s’évanouit …Les autres ne s’en occupent même pas ; Tourluire fait ramasser le trousseau par le guichetier Lamy , puis il prend celui-ci par le bras , le pousse vers la chambre , où il sait que sont enfermés les insermentés. Point ne lui est besoin , du reste , du concierge : il connaît mieux que quiconque, les aîtres de la maison , car il y a fait dernièrement un séjour , en expiation d’un délit quelconque.

Dans l’infirmerie , M. Duchesne et ses compagnons n’ont certainement pas été sans entendre le tumulte qui grandit …M. Meignien est au lit, malade et les autres attendent…Aucun d’eux ne devait survivre : on ne sait rien , par suite des derniers entretiens que les sept martyrs purent avoir, avant d’être livrés aux assassins…

Brusquement , Tourluire , le livre d’écrou à la main , paraît :

-Messieurs , il faut descendre ! …

Se doutent)ils du sort qui leur est réservé ?....Un seul mot monte à leurs lèvres :

-Pourquoi ?...
L’officier reprend simplement :

-On vous demande en bas…

Et , le premier , M . Duchesne est poussé vers la sortie."
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 0:01

J'en suis arrivée au chapitre des massacres mais ce sera pour demain...
C'est très dur à lire. J'ai les larmes aux yeux !
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 8:17

Bon, je poste la première partie du récit. C'est un récit horrible. J'en avais les larmes aux yeux hier soir quand je l'ai tapé sur word !

"Le Massacre

-Voilà le curé Duchesne ! …

Dans l’embrasure , le pasteur de Saint Nicolas vient d’apparaître , et la populace lance une exclamation de joie…

Derrière lui, Tourluire , l’épée nue à la main , lui dit :

-Allons ! Il faut sauter le pas ! …

En même temps , il lui donne un coup de poing sur la tête , et, du pied, le projette dehors…

Le Redde est là, qui guette , sur le seuil ; dès qu’il voit le prêtre à portée , il lui lance sa pique dans le cou, avec une telle violence qu’il le cloue au battant du guichet ; en même temps , Gallet, le porte-sac , lui ouvre le crâne d’un coup de sabre …Le Redde , alors , retire sa pique, le corps s’écroule ; sur lui , Goulas et Anoyers s’acharnent , La Place lui enfonce alors sa lance dans le thorax , la tourne à plusieurs reprises pour bien la fixer , puis il s’en sert comme d’un harpon pour traîner sa victime au fond de la cour …La foule s’écarte pour le laisser passer ; personne n’ose intervenir ; les gardes nationaux se contentent seulement d’empêcher les enfants d’approcher , « dans la crainte qu’ils ne se trouvent pris dans la bagarre … »

M. Duchesne , cependant , n’est pas mort et gémit :

-Ah ! Mes amis …Ah, mes amis …

Berton, le garçon meunier , entend ces plaintes .

-C’est moi qui vais l’achever !...hurle t-il.

Et de la lame dont il est armé, il lui donne le coup de grâce…

L’attente n’est pas longue , car déjà , M. Capy sort à son tour , bousculé par Tourluire…

Cette fois, c’est Nicolas Gallet qui commence : le coup d’épée qu’il assène , fait une profonde blessure à un bras du prêtre ; Le Redde veut renouveler son geste de tout à l’heure , lance sa pique, mais cette fois , elle pénètre entre deux côtes, si profondément qu’il a toutes les peines du monde à l’arracher …Déjà agonisant , le curé de Coulommes s’affaisse : Berton et Beauchet foncent sur lui , le hachent littéralement avec leurs sabres ; Goulas , La Place , Le Redde , le lardent de leurs lances et ils mettent tant d’acharnement qu’ils en brisent les manches …Ce n’est plus qu’un cadavre sur lequel ils assouvissent leur rage.

Pour la troisième fois, le guichet s’ouvre : M. Pasquier paraît . D’un coup d’œil , celui-ci comprend qu’il est perdu , mais moins résigné que les premiers , il entend se défendre …Avant que Le Redde , toujours au premier rang , n’ait pu attaquer , il le prend à bras le corps et l’entraîne , en disant :

-Je ne mourrai pas seul ! …

Enlacés , le prêtre et le maçon roulent à terre , le premier serrant de toute la force du désespoir le second qui, en dessous , ne peut se dégager…Cela s’est fait si vite que les émeutiers n’ont pas vu tomber leur camarade ; ivres de sang, de vin, de colère , Goulas , Anoyers , La Place , ne pensent qu’à frapper , à tour de bras , sans regarder , et les coups tombent aussi bien sur M. Pasquier que sur Le Redde.

Tout à coup , Gallet s’en aperçoit :

-Arrêtez ! Arrêtez ! crie-t-il , -il y a un citoyen sous l’abbé Pasquier , vous le frappez aussi !

Les forcenés regardent , constatent leur méprise ; leur rage ne connaît plus de bornes : ils saisissent le chapelain de la cathédrale par les cheveux , l’arrachent de dessus Le Redde , le lardent de leurs sabres , de leurs piques ; lui, cependant , n’a encore reçu que des blessures superficielles ; Goulas est à sa portée , il le saisit par la jambe , fait des efforts surhumains pour le faire tomber : il va y parvenir quand Anoyers lui transperce la main , le contraignant ainsi à lâcher prise …
Tous alors s’acharnent sur lui , et il ne tarde pas à succomber …

Debout près du puits , appuyé sur son fusil , dont il a tant bien que mal redressé la baïonnette , Aitret , éclaboussé de sang , n’en peut voir davantage ; sentant sa tête tourner , il n’a que le temps de se traîner jusqu’à la loge de Faussart ; là, il s’effondre , en gémissant sur un lit : la femme du geôlier , sa fille , sa bru , doivent lui donner un cordial pour le remonter…

Plus courageux , son camarade Jacques Gallet restera jusqu’au bout, tantôt assis sur un banc, tantôt arpentant la cour en arrière des meurtriers ; il détourne ostensiblement la tête et regarde la Marne. Lui aussi a eu un moment de faiblesse , mais Béjot l’a remonté en lui faisant boire un peu d’alcool…

Pendant ce temps , enfermées dans le tribunal , les autorités entendent les plaintes des victimes , les hurlements des émeutiers , mais ne peuvent intervenir ; pas un instant , en revanche , les gardes nationaux ne songent à arrêter le massacre. Ceux qui ne coopèrent pas semblent s’en désintéresser et se contentent de rester au poste où on les a placés, jetant , de temps à autre , un timide regard sur l’épouvantable spectacle ; quelques-uns , écoeurés, voudraient se retirer , mais les gendarmes parisiens font bonne garde et empêchent de sortir de la prison ; quatre ou cinq, pourtant comme l’orfèvre Le Goix , le menuisier Sébastien , le mégissier Bardin, parviennent à s’échapper ; d’autres , tels le vitrier Normand et le voiturier Bertrand , n’osent partir tout à fait et s’écartent seulement , feignant d’être en faction en bas, près de la petite entrée de l’Hôtel de Ville . Là, ils cherchent à empêcher de passer quelques gendarmes qui accourent à la rescousse ; une bagarre s’ensuit , et les deux miliciens doivent fuir pour n’être pas écharpés …Ils ne reviendront qu’un peu plus tard quand tout sera fini.

La foule, elle, regarde impassible ce spectacle d’horreur ; la plupart resteront jusqu’à la fin , noteront tous les détails des assassinats ; le petit Sébastien Hébert , particulièrement , ne perdra rien du drame , des gestes , des moindres paroles de chacun. Un autre adolescent , Henri Pelletier , aura plus de sensibilité : au premier sang qu’il verra couler, il sera saisi d’une telle frayeur qu’il s’enfuira et ira fermer la boutique du perruquier , chez lequel il travaille.


Parmi les massacreurs , la lutte qu’il a fallu soutenir contre M. Pasquier a ralenti un peu l’ardeur …Le Redde , qui a été assez grièvement atteint à la tête et aux cuisses , n’a plus qu’une idée en tête : partir au plus vite et aller se soigner ; le porte –sac Gallet a reçu aussi pas mal de horions , dans la mêlée et déclare qu’il ne veut plus rester , qu’il craint d’en recevoir autant …Ses camarades ont beau insister , beau répéter qu’il « ne faut pas avoir peur « , lui décocher les épithètes les plus infamantes , il persiste dans sa résolution et, prenant Le Redde par le bras, l’emmène à l’Hôtel-Dieu, pour l’y faire panser ; en attendant , son frère Jacques a prêté son mouchoir pour étancher le sang du blessé.

Le poste ne reste pas longtemps vacant : les deux garçons meuniers Berton et Beuchet s’offrent aussitôt à l’occuper , déclarant :

-Continuez toujours ! …Nous allons remplacer Gallet et Le Redde . C’est nous qui serons vos officiers et commandants , et nous frapperons comme vous ! …

Encouragés , Goulas, Anoyers , la Place chantent victoire :

-En voilà trois de tués ! ..Au tour des autres ! …

Dans la geôle , Tourluire et Petit poursuivent froidement leur besogne . Ils ne lâchent leurs victimes qu’une à une et, entre-temps, se promènent de long en large dans le couloir …C’est maintenant au tour de M. Meignien : il a fallu le sortir de force de son lit , l’obliger à s’habiller , le rouer de coups, le menacer de le tuer sur place …

Ainsi averti , le chapelain de l’hôpital sait ce qui l’attend : quand les clameurs l’appellent et qu’il lui faut sortir , il se précipite , cherche à pénétrer dans la foule , à s’y perdre, espérant ainsi se sauver…Tout de suite , il est rejoint par les massacreurs : Goulas , Anoyers , La Place , Berton, Beauchet, ont vite fait de le faire tomber , près du puits , de le taillader à coups de sabre. Dans un dernier sursaut de force, le malheureux saisit la jambe de Goulas avec sa mâchoire et la mord profondément : le boucher , pour se dégager , se sert de son pied , écrase la tête du prêtre à coups de sabot , tandis qu’Anoyers le transperce avec sa pique…alors seulement l’étau des dents se desserre , M. Meignien lâche prise et rend le dernier soupir…



A ce moment , un nouvel énergumène surgit…Furieux, ivre à ne pas se tenir debout, proférant tous les jurons possibles , Mérault , qui s’est attardé à boire au cabaret, arrive , hurlant :

-Pourquoi ne m’avez-vous pas attendu ? …J’aurais voulu jouir du plaisir de tuer l’abbé Duchesne et de le promener en ville au bout d’une pique ! …

Goulas et ses amis ripostent :

-Il n’y a pas encore de temps de perdu ! …Il reste des prêtres et tu vas nous aider à les tuer !...

Le manouvrier , aussitôt , s’arme d’un énorme morceau de bois , qui sert à rouler les pierres de taille , dans la cour…Justement , le cinquième prisonnier, M. Hébert , est jeté dehors par Tourluire et Petit …Mérault se lance sur lui , l’interpellant :

-C’est donc toi , foutu morpion , qui veut nous faire la loi ? …Mais attends ! …Je vais faire un haricot de tes os !...

Ce disant , il abat de toute sa force , son rondin sur la tête du curé de Ségy ; à moitié assomé , celui-ci s’écroule ; l’assassin continue de taper , jusqu’à ce que le crâne finisse par éclater : la cervelle jaillit de tous côtés, inonde les assistants ; des débris en sont projetés sur le mur , où ils restent attachés ; en moins d’une minute , la tête est aplatie , ne forme plus qu’une bouillie sanglante , -et pendant ce temps , Goulas , La Place , Anoyers , les deux meuniers , dépouillent le corps de ses vêtements , le dépècent , le mutilent affreusement ….

Il reste encore deux prêtres à tuer . La chose est vite faite : à tour de rôle , M. David et M . Gaudin succombent …Sur leur fin, les détails manquent : sans doute , le jeune Hébert , jusqu’ici, a tout noté , finit-il par être lassé et s’en désintéresse-t-il : il se contente d’enregistrer leur décès.

C’est aussi le moment où la petite Louise Mouton qui, jusque –là , a regardé le massacre d’une fenêtre de l’auditoire , se décide à s’en aller.

-J’avais vu tuer sept prêtres , dirat-elle plus tard….J’ai prié la personne qui me tenait de me laisser partir , parce que j’étais prête à me trouver mal…Cette personne m’a conseillé de m’en aller bien vite , parce qu’on allait tuer aussi les prisonniers …

Ce n’est pas fini en effet : ces fous sont assoiffés de sang et ne peuvent plus s’arrêter . Au début , ils ont été les premiers à acclamer la libération des détenus de droit commun : sept ont été relaxés, mais il en reste 17 autres dans les cachots de la geôle…Quel rapport ont-ils avec les réfractaires ? Sont-ils plus coupables que leurs camarades délivrés , il y a une heure ? Quels crimes ont-ils commis ? Qu’importe ? Ils sont là et ce sont des victimes toutes trouvées …A grands cris, on les réclame, et, comme Tourluire ne s’exécute pas assez vite , les égorgeurs , Blondeau à leur tête , forcent l’entrée de la prison . Vincent Lefèvre , le journalier , a été jadis , guichetier ici même : sous ce prétexte , on veut qu’il livre ces nouvelles victimes , mais il s’en défend, dit que c’est aux Faussart à le faire …A défaut du père qu’on ne peut trouver , -il est parti reprendre des forces au cabaret de Béjot-, le fils est appelé."
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 11:17

La suite du récit pour demain.
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 17:18

"Comme il refuse d’ouvrir les cachots , Lefèvre l’appréhende au col, le force à obéir : lui, se contentera d’éclairer ses camarades avec une chandelle , -car , depuis le temps que dure le massacre, la nuit est complètement venue.

Un à un , les occupants des premières chambres sont extraits : on les force à sortir ; affolés , ne comprenant rien à cette fureur subite dont ils sont l’objet , ils cherchent à fuir , mais sont complètement rejoints ; un d’eux est atteint par Aitret, qui lui passe sa baïonnette au travers du corps ; Molat en arrête un autre d’un coup de sabre ; un troisième, un faux monnayeur, nommé Bély, jeune homme de 24 ans ,vêtu de rouge , a pu se croire sauvé : avec la protection de Claude Faussart , il est sorti indemne , de la prison, a descendu même l’escalier , mais n’a pu , avec ses pieds enchaînés, aller plus loin ; il s’est assis sur une borne , près de la guérite du corps de garde , afin que le serrurier Le Clerc, qu’on a réquisitionné pour couper les fers des libérés , le délivre des siens ; il crie à tue-tête , en attendant : « Vive la Nation ! …Vive la
Liberté !... » , pensant ainsi passer pour un patriote . Malheureusement pour lui , Beauchet l’aperçoit ; la colère du garçon meunier se tourne vers Le Clerc : il lève son sabre sur lui , le menace de le frapper s’il continue son travail ; effrayé, l’ouvrier s’écarte , et Beauchet ramène Bély dans la cour : là, il lui passe sa lame à travers le corps, le jette à terre . Quelques comparses accourent , hurlant :

-A bas la veste rouge !...

Et ils achèvent l’infortuné.

A la fin , la lassitude est venue : il est 8 heures , on n’y voit plus rien , et on commence à en avoir assez de tout ce sang répandu ; les plus furieux se calment, et beaucoup sont déjà partis, pressés de rentrer souper chez eux , ne tenant pas non plus , peut-être , à rester les derniers auprès des cadavres …

Un certain Lauzanne est le premier à trouver grâce ; on laisse Le Clerc lui briser ses fers et il peut s’échapper. Quelqu’un demande alors à Faussart combien il reste encore de prisonniers , et ce qu’ils sont.

-Deux chambres , répond-il , n’ont pas été ouvertes . Dans l’une , il y a trois détenus, dans l’autre six …Ce sont des mendiants , et ils n’ont plus que 8 jours à faire ! …

On décide de les épargner . On tire leurs verrous , on les oblige à crier :

-Vive la Nation !

Et ils sont mis en liberté au milieu des acclamations.

Après les sept prêtres, sept individus ont été abattus, et le procès-verbal conserve seulement leurs noms, sans dire même pour quels délits ils étaient incarcérés à Meaux :

-Jean-Louis Raymond Bély , âgé de 24 ans , sans profession , demeurant à Paris

-Nicolas MUgnot, manouvrier au Pré St Gervais, près Paris, natif de Renienval , en Franche Comté ;

-Louis et François-Julien Baussat , frères, manouvriers à Isles les Meldeuses ;

-Nicolas Théodore Cardon , garçon tailleur , sans domicile , natif de St Quentin ;

-Nicolas Legendre , âgé de 27 ans , ouvrier sans domicile , natif de Provins ;

-Antoine Poussaint , âgé de 21 ans, manouvrier faisant le commerce des porcs , natif d’Evreux".
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 18:01

"Soir d’Emeute


Ne convient-il , pour couronner une telle journée , si bien employée , d’en faire part à toute la ville ? …Les gendarmes n’ont pas manqué , certainement , de raconter qu’à Paris, on promène les têtes des aristocrates , pour que nul ne puisse ignorer la vengeance du Peuple ; dimanche encore , on a porté en triomphe celle de la Lamballe et on l’a présentée sous les fenêtres du Temple, où habite maintenant la famille Capet, qui aimait tant l’ex-princesse…Il est bon , à Meaux, d’agir de même et de montrer aux bourgeois, qui ne sont pas dérangés, qu’une œuvre patriotique a été aujourd’hui accomplie …

Seulement , auparavant , il faut couper ces têtes, et ce n’est pas chose facile …
Quelques-uns des « justiciers » vont s’appliquer à ce délicat labeur . Un étranger , qui ne s’est pas signalé jusqu’alors , un certain Liévin, -sinistre individu , à la face toute marquée de petite vérole,-détache, sans trop de peine , celle de M. Capy. Mérault a ramassé par terre un vieux couteau et fait de son mieux pour décapiter M. Duchesne , dont le cadavre commence à refroidir…Hélas ! …la lame est usée , mal effilée, et le maçon déchiquette vainement les chairs , sans arriver à trouver la jointure des vertèbres. Devant tant d’acharnement , quelqu’un ne peut s’empêcher de laisser échapper cette réflexion :

-M. Duchesne , de son vivant , lui a pourtant fait du bien et lui a donné du pain ! …

Le misérable entend et aussitôt riposte :

-C’est faux ! …Il ne m’a jamais fait aucun bien …Je n’ai même jamais demeuré sur sa paroisse.

Il se remet au travail…La Place vient heureusement à son secours avec une serpette qu’il a trouvée dans le bûcher ; mais non sans peine , il finit par briser « le sifflet et les os ».

A ses côtés , le petit cordonnier Robert s’acharne sur un autre cadavre , en se servant d’un sabre comme d’une scie …Même de cette façon , c’est encore compliqué ; quelques spectateurs suivent curieusement cette mutilation : le ménage Chevalier notamment , -celui qui tient un commerce de pain d’épices au Marché -, regarde cela avec une grande attention , et la femme ne paraît pas moins intéressée que son époux …Le garde national Normand , qui revient à ce moment au Château , ne peut s’empêcher de s’étonner et de lui « faire sa représentation sur le danger qu’elle court à regarder pareille chose « …Cette observation attire l’attention sur le milicien : Robert lui demande d’aller chercher une pique , pour y mettre la tête , dès qu’elle sera détachée…L’autre , s’y refusant , n’a que la ressource de disparaître .

Pendant ce temps , Tourluire et Petit , hommes d’ordre , se mettent en devoir de fouiller les morts et de recueillir , dans un grand mouchoir , montres, argent , bijoux …Ce travail fait , ils se présentent à la Maison Commune , pour y déposer au secrétariat ces dépouilles , qu’ils onr suspendues aux pommeaux de leurs sabres.
M. Halbou , remis de sa faiblesse , vient d’arriver ; c’est lui qui, avec Jaumin , les reçoit :

-Nous sommes envoyés par le peuple, expliquent-ils , pour savoir si, comme on nous l’a assuré , il existe , aux mains de la Municipalité , une liste qui distingue les aristocrates …IL y a beaucoup d’expéditions à faire demain …Remettez-nous cette liste civile ! …

le Municipal et le greffier , fort émus , répondent qu’il n’existe rien de tel …Comme les officiers insistent , pour qu’on leur donne au moins acte du dépôt qu’ils font , Jaumin se refuse à rien recevoir , et ils s’en vont , emportant leurs ballots…Peu après, quelques émeutiers viennent se débarrasser, au Bureau militaire , des armes dont ils n’ont plus que faire : un tas d’épées , d’épieux , de fusils , de baïonnettes sanglantes , est formé dans un coin.

M. Sauvé , qui est toujours là, voit ainsi défiler quelques-uns des massacreurs et peut entendre Robert s’écrier :

-C’est fini ! …J’en ait fait ma bonne part ! …

Les autres, , maintenant , descendent , escortant les têtes enfin détachées , qu’on a solidement fixées au bout de piques.

Le concierge de la Municipalité , Betterstroffern , les regarde passer, exultants , culottes et souliers dégouttants de sang, « se réjouissant des belles actions qu’ils viennent de faire ».

Sur la place de l’ Hôtel de ville , on fait halte un moment , en attendant que tous soient là, puis on organise le cortège : Mérault , au comble de ses vœux, porte la tête de M. Duchesne ; Liévin tient celle de M. Capy ; Lombard et Robert en brandissent d’autres ; derrière eux, une centaine de braillards suivent , en chantant à tue-tête des hymnes patriotiques…"
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 19:01

Comment l'être humain peut-il arriver de sang froid à couper des têtes sur son semblable ? Révolution et violences - Page 7 611159

Pour ma part, je n'ai jamais petite fait l'expérience sur des insectes. J'avais tué un jour malencontreusement un papillon (j'avais levé le bras et hop !), j'en avais pleuré.
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 19:25

Ceci n'est pas propre à qu'à l'être humain malheureusement Révolution et violences - Page 7 244157

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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 19:44

Bah oui d'accord. Mon chat adore s'amuser avec les petites bébêtes. Mais nous, nous avons une raison, une conscience, je ne sais quoi, qui fait qu'on se croit bien au-dessus du règne animal. La preuve que non.
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 20:15

Nous sommes bien d'accord donc Révolution et violences - Page 7 244157

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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeDim 12 Sep - 20:25

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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeLun 13 Sep - 1:21

"Jusqu’à la nuit, dans les étroites rues de la cité , puis par le tour des fossés,-où l’officier municipal Cherrier a la désagréable surprise de la croiser, la bande va circuler , répandant partout la terreur, faisant à son approche, se fermer les boutiques et fuir les gens…
Aux cris répétés de : « Vive la Nation ! « , on ira jusqu’au faubourg St Nicolas : là , en même temps que le chef de l’ancien curé de la paroisse, on exhibera triomphalement ses lettres de prêtrise.

Chemin faisant , on rencontre des cabarets ; peu à peu, on y laisse les plus altérés ; d’instant en instant , le cortège s’amenuise ; seuls , les plus enragés : Berton, La Place, Anoyers, Lombard, Mérault , Blondeau, Goulas, Liévin, poursuivent leur sinistre promenade.

Le premier , Berton se lasse : entré chez Charlot Gallet , son sabre encore rouge à la main, il s’attable devant une chopine et on ne le revoit plus. Bientôt Lombard disparaît chez le cordonnier Duval : deux gendarmes parisiens sont logés là et viennent de rentrer , avec leurs bâtons ensanglantés ; malgré un sursaut d’horreur , l’hôte est contraint de baiser la tête que le tisserand lui présente , après quoi gendarmes et assassins trinquent gaiement . Plus loin, rue St Nicolas , la bande pénètre chez Bouland et exige qu’on lui serve de l’eau de vie : Anoyers et La Place y restent et vont , jusqu’à une heure avancée raconter leurs exploits ; Anoyers , il est vrai , sent son enthousiasme un peu refroidi par une blessure que lui a faite , au cours de la bagarre , un coup de sabre égaré.

Ils ne sont plus maintenant que 4 , et ils se voient fermer la porte au nez par Béjot , qui refuse de leur donner à boire , malgré les injures dont ils l’agonisent ; ils se dirigentalors , toujours rue St Nicolas , vers l’épicerie Dancoigné , car une idée subite vient de germer dans leur cervelle surexcitée par l’alcool.

La commerçante , à cet instant , se trouve seule avec ses enfants dans le magasin . Liévin incline vers elle son hideux trophée –le chef de M. Capy –et il plaisante :

-Tiens ! Madame Dancoigné , voilà la tête de ton curé ! …

L’épicière recule épouvantée et appelle son mari , tandis que les petits hurlent de terreur.
Mérault , bonasse , la rassure à sa manière :

-Tu as bien tort d’avoir peur ! …demain , on en verra bien d’autres …Ce serra le tour des aristocrates ! …

Dancoigné est accouru sur ces entrefaites .

-Donne-nous de la chandelle pour faire voir la tête ! …commandent les misérables .

En tremblant , Dancoigné obéit , délivre la marchandise , refuse qu’on la luie paie , mais les assassins tiennent à régler l’achat protestant :

-Nous sommes d’honnêtes gens ! …

La chandelle allumée , ils repartent ; à quelques pas de là , contre la porte St Nicolas , dans la dernière maison à droite , en sortant de la ville , un nommé Denis Lemaire tient à la fois boutique de perruquier et cabaret. Tous y courent , demandent de la bière , en vident 3 ou 4 bouteilles .

Au moment de payer , un des hommes présente un billet .

Le cafetier n’a qu’une idée : voir au plus vite , partir ces bandits . Alléguant qu’il n’a pas de monnaie, il leur dit :

-Vous paierez une autre fois ! …

Liévin observe :

-Tu me connais bien , du reste …Je suis de la chaussée de Paris ! …

Ivres-morts , ils s’éloignent , allant vers le faubourg. En passant la porte , Goulas se souvient , malgré son ébriété, qu’il a une faction à y monter : laissant ses camarades continuer leur sarabande , il entre au poste et , vantard , fier de ses exploits , il se met aussitôt à les raconter aux camarades , qui ne l’ont pas suivi :

-J’ai tué , pour ma part , trois de ces particuliers ! …

D’un air entendu , il ajoute que, le lendemain , il compte bien se porter dans différentes maisons de la ville pour y pratiquer pareille épuration …

L’adjudant –major Chaurron , en train de passer l’inspection de la garde , survient à cet instant . Il entend ces vils propos , voit qu’ils sont approuvés par les autres miliciens, constate que ce poste paraît être un » rendez-vous d’assassins » : pour tenter au moins d’enrayer le mal , il fait partir Goulas et l’expédie ailleurs , sous un prétexte quelconque.

Tandis que s’apaisent , ainsi , les derniers soubresauts de l’émeute , les autorités délibèrent à l’Hôtel de Ville.

Une fois les assassins partis , la foule s’est, d’elle-même, dispersée , abandonnant les cadavres dans la cour du Château ; les élus ont pu , alors , quitter le Tribunal , où , jusque là , on les avait retenus …Bouleversés par les événements, « plongés dans la plus profonde douleur « , ils sont redescendus dans leur salle de séance , pour examiner les décisions à prendre …


Avant tout, un long compte-rendu de cette effroyable journée est rédigé ; aussi en détail que possible , on y reprend la succession des faits , depuis le matin : l’arrivée des gendarmes parisiens , leurs sommations , la réunion générale des corps administratifs , l’adresse à la population , l’envahissement de la Maison Commune, le refus d’obéissance de la force armée , les supplications des autorités , la ruée vers la prison , le massacre enfin, -et le document s’achève par la liste complète des victimes qui ont été immolées …

Longuement , ensuite , on discute sur les mille moyens d’empêcher l’insurrection de renaître : ordre est , notamment , donné d’éclairer les rues, toute la nuit…On arrête aussi de commencer , tout de suite , l’ensevelissement des morts , qui seront inhumés le lendemain …Puis , quand ce pénible débat semble épuisé, courageusement , les édiles se replongent dans l’étude du grand problème qui est à l’ordre du jour , l’établissement du camp de Meaux…

Pendant ce temps , à la lueur des torches , dans la cour du Château, les fossoyeurs procèdent à la lugubre besogne dont on les a chargés…Un instant , vers deux heures du matin, ils seront interrompus par l’irruption de quelques ivrognes en furie, qui forceront Faussart à les éclairer et emporteront de nouvelles têtes.

A défaut du procès-verbal officiel, la tradition raconte quelles difficultés , on eut à réunir les débris humains , épars de tous côtés…Au petit jour , on emportera discrètement ces restes, et on les déposera au cimetière de Notre Dame de Change , où ils reposent encore aujourd’hui , en un coin quelconque du grand parc qui a recouvert , de ses arbres , les vieilles tombes. "
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeLun 13 Sep - 1:38

Merci, chère Princesse, mais à nous conter pareilles horreurs à une telle heure vous n'allez plus savoir trouver le sommeil comme vous le méritez !
Je vous souhaite , cependant, de trouver ce repos que promettent les bras de Morphée Wink

Bien à vous.
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeLun 13 Sep - 8:30

Merci Majesté, mais c'est parce que je n'avais pas sommeil que j'ai écrit ce message.
C'est vrai que j'ai du mal à trouver le sommeil en ce moment mais cela n'est pas dû à cette histoire...
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitimeJeu 16 Sep - 23:00

"Le lendemain du drame

"Leur œuvre d’excitation accomplie , les gendarmes parisiens n’ont pas tenté de renouveler l’agitation : disséminés dans tous les quartiers , fatigués eux-mêmes des violences auxquelles ils ont pris part , craignant peut-être les suites qui pourraient en résulter pour eux , ils ont disparu , comme cherchant à se faire oublier…

Leur départ est fixé au 5 , à 8h du matin , et, avant de quitter la ville , ils entendent mettre leur responsabilité à couvert : un de leurs officiers se présente à la Municipalité et exige qu’on délivre un certificat de bien vivre , y spécifiant qu’aucun de ses hommes n’a pris part aux meurtres de la veille…
On se doute de la perplexité où une telle demande plonge les élus : dans la crainte de représailles , ils croient cependant de voir accéder à la requête , signent le papier , mais le juge de paix , M. de Vernon , malgré les menaces dont il est l’objet , se refuse énergiquement à parapher semblable attestation …


Quelques instants après , la colonne des Parisiens s’ébranle , mais s’ils ont eu le désir de passer inaperçus , ils sont bien mal servis : leurs amis de la veille ne les ont pas oubliés , en effet, et entendent leur faire une bruyante conduite ; leur troupe avinée arrive à temps , brandissent encore une des têtes coupées –Liévin a fait disparaître celle de M Capy dans l’égoût de la porte des Vieux Moulins, les autres ont été perdues on ne sait où, -et c’est encadré par ces patriotes que la 30ème division s’engage sur la route de Châlons , par la porte et le faubourg St Nicolas…Les Meldois vont accompagner ainsi leurs « frères » pendant une dizaine de kilomètres et ils se débarrasseront en cours de route , de leur hideux trophée : cette tête , dit-on , fut jetée dans un étang…

Cette dernière manifestation finie , on croirait peut-être les massacreurs calmés et désireux de rentrer dans l’ombre …Loin de là ; ils semblent , au contraire , prendre plaisir à se montrer partout et à se poser en héros…

Tandis que Le Redde gémit à l’Hôtel –Dieu , où ses blessures vont le retenir plusieurs semaines , Goulas exhibe , à qui veut la voir , la morsure , du reste grave , que M. Meignien lui a faite à la jambe .

-Pour l’obliger à quitter, explique t-il , je lui ai foutu un coup de crosse de mon fusil…

Il n’avoue point qu’il a assommé le malheureux prêtre avec son sabot.

Liévin, non moins fier de ses exploits , ne veut pas se séparer de sa pique et pousse même le cynisme jusqu’à aller se présenter à la Municipalité , pour y demander la permission de l’emporter à son pays , expliquant :

-Cela prouvera que j’ai pris part à l’expédition …

Lombard , encore pris de vin , circule en ville , toute cette journée du 5 , répétant :

-Vous êtes tous des aristocrates ! …

Et comme ,sur la demande d’une de ses tantes, le cordonnier Duval cherche à lui faire entendre raison , le tisserand lui répond , avec une ténacité d’ivrogne :

-Toi aussi , tu es un aristocrate ! …Moi, j’ai été au massacre des prêtres et je suis patriote ! .. ;

Le plus étonnant , c’est que des hommes qui n’ont rien fait, qu’on n’a pas vus du moins rien faire , se targuent, au contraire , d’avoir contribué aux assassinats, ou passent pour y avoir trempé.

Jacques Gallet , le charpentier , travaillant avec quelques compagnons, aux environs de Meaux , « s’écrie avec une espèce d’enthousiasme » :

-J’ai coopéré moi aussi à l’assassinat et je ne suis pas resté en demeure sur l’emploi des moyens propres à cette expédition …

Il s’attire même à ce propos , une algarade de son oncle Cornillier qui lui reproche cette affreuse fanfaronnade.

Lenoir, le boucher de Couilly , après avoir assisté au massacre , a fait de nombreuses libations chez Aitret et ailleurs : très tard, laissant ses amis en arrière , il est parti au galop de son cheval , en criant :

-Je vais faire tirer une bouteille à Quincy !...

Finalement , il est rentré directement à son village ; des habitants déjà couchés , l’ont entendu de leur lit , hurler au passage :

-On a tué à Meaux tous les aristocrates ! …

Quelques femmes étaient encore sur le bas de leur porte et lui ont répondu :

-On pense bien que tu n’as pas tué ! …


Malgré cela , comme ses vêtements sont couverts de sang , le bruit se répandra qu’il a été un des acteurs de la tragédie.
"


Le certificat de bien vivre prouve bien la culpabilité des gendarmes...
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MessageSujet: Re: Révolution et violences   Révolution et violences - Page 7 Icon_minitime

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