Madame Adélaïde

Ben , vous savez , Louis-Philippe parle d'une foule de 100 000 personnes mais il ne précise rien sur le nombre de voitures.
Alors ....

On s'en méfie de lui

Alors..., je poursuis ma lecture de Valentino : " Mesdames séjournèrent à Bellevue jusqu'à la fin de l'automne 1789. Après le sacrilège du 6 octobre , une accalmie politique, soudaine et imprévue fit croire au retour définitif de la paix.

Cette paix toute apparente , amplifiée par le grand silence de la nature automnale, se reflète dans la correspondance qu'échange Madame Adélaïde avec sa dame de compagnie, la marquise d'Osmond : "Je vis toujours ici dans la solitude , lui écrit-elle, ne voyant personne autre que les personnes qui sont à nous...Paris est bien tranquille ; les esprits sont beaucoup moins échauffés..."


Mais voici l'hiver, et Mesdames , qui sont frileuses , abandonnent la colline de Meudon , ouverte à tous les vents. Puisque Versailles est désertée et que jamais plus la Cour n'y reviendra , Adélaïde et Victoire rejoignent à Paris la famille royale et s'installent aux Tuileries dans un appartement du pavillon de Marsan . Ce logement n'offrait pas le confort de Versailles et de Bellevue et Madame Adélaïde s'en plaignit à Mme d'Osmond : " Mon appartement est court ; je suis ici assez mal à l'aise. Excepté les antichambres et le grand cabinet , ma chambre et tout le reste est très petit ...Nous nous portons tous très bien ; je regarde que c'est un miracle après les assauts que nous avons essuyés...."

Certes Chou , mais Louis-Philippe est un témoin direct des événements révolutionnaires et s'il peut mentir sur bien des points, je ne pense pas qu'il mentirait de cette façon là.
Qui peut dire avec précision le nombre exact de personnes présentes à Versailles ces jours là ainsi que du nombre de voitures ?
On peut comparer avec d'autres témoins directs pour recouper les témoignages....

Ce serait même intéressant Chou de créer un fil que l'on pourrait appeler " la révolution vue par ses témoins". Qu'en pensez-vous ?

Pour en revenir à Mesdames : " Dès que les jours s'allongent , en février 1790 , les filles de Louis XV , de plus en plus rassurées par les événements, quittent Paris pour reprendre le chemin du château de Bellevue. C'est là qu'elles passèrent avec leurs maisons et leurs intimes le printemps, l'été et l'automne.

A Bellevue , Mesdames ont donné à pleine mains aux oeuvres , aux sociétés patriotiques, envoyant à l'Assemblée nationale leur vaisselle d'argent. Elles ne supportent pas cependant d'être privées du culte catholique. et c'est alors , en l'automne de 1790 que germe dans l'esprit d'Adélaïde de quitter la France."

"Mirabeau , à la fin de l'année 1790 , s'inquiétait de " ces folliculaires dont la seule ressource est le désordre et de cette multitude d'étrangers qui soufflent la discorde dans tous les lieux publics ". Parmi ces étrangers, les agents de William Pitt se signalèrent par leur activité. Les Britanniques cherchaient une revanche contre le roi de France et ne marchandaient pas leur or aux révolutionnaires.

Madame Adélaïde ne se faisait plus grande illusion sur la suite des évenements. Elle gardait toutefois la certitude qu'un jour plus ou moins proche tout rentrerait dans l'ordre.
Aussi lorsque s'ouvre l'année 1791, s'affirme la volonté d'émigrer de Madame Adélaïde, d'autant plus qu'elle croit fermement à la brièveté de ce temps d'exil. Encouragée à partir par sa dame d'honneur, la duchesse de Narbonne, la fille de Louis XV se décide enfin , non par crainte des dangers qu'elle peut courir , mais uniquement pour se soustraire aux iniquités du schisme. Sa résolution prise,Adélaïde n'eut aucun mal à persuader Victoire.


Pendant le mois de janvier qu'elles passèrent à Bellevue, Mesdames commencèrent leurs préparatifs de départ , sans savoir encore vers quel pays elles dirigeraient leurs pas. Bruxelles par sa proximité les tenta tout d'abord ; Mais les Pays Bas regorgeaient d'émigrés plus ou moins suspects. Alors elles songèrent à Madrid où régnait leur nièce , la fille de Madame Infante , Dona Maria-Luisa , épouse de Charles IV ; la vie scandaleuse que menait cette reine les détourna de ce projet.
Enfin, Mesdames fixèrent leur choix sur Rome , la capitale de l'Eglise, où résidait leur ami le cardinal de Bernis, ambassadeur du Roi auprès du Saint Siège.

Restait à obtenir l'autorisation du roi. Loin de s'opposer au départ de ses tantes, Louis XVI les encourageait à partir et approuvait le choix de leur résidence : Rome lui semblait le meilleur des lieux d'exil."

"Pour vivre à l'étranger, il fallait mobiliser beaucoup d'argent. Madame Adélaïde se mit donc en quête d'un banquier qui lui permît de contracter un emprunt, gagé sur ses terres et ses châteaux. L'active princesse réussit assez vite et fit part au roi de l'heureux résultat de ses démarches :"J'ai trouvé mon homme , lui écrit-elle ; il prend l'engagement de faire toucher à Rome l'argent dont nous avons besoin pendant tout le temps que les paiements ici ne seront point interrompus et s'ils viennent à l'être, à faire des avances jusqu'à concurrence de 1.200 000 livres, si notre voyage se prolonge ; ce qui , je l'espère , n'arrivera pas..."

Le consentement du roi obtenu et l'emprunt conclu, Mesdames ne voulurent pas quitter la France sans se mettre en règle avec les autorités civiles, car il fallait maintenant compter avec elles. La municipalité de Paris , sollicitée par Mesdames , refusa le passeport que lui demandaient les princesses et décida d'envoyer au roi une délégation pour lui exposer les inquiétudes des citoyens sur le voyage de Mesdames et les inconvénients qui pouvaient en être la suite."Pour une fois, Louis XVI , se montrant énergique, passa outre et délivra ce passeport à ses tantes.
Le ministre de l'intérieur traça sur l'ordre du roi , l'itinéraire de voyage , fixa à 20 personnes la suite de Mesdames et donna ses instructions aux directoires des départements traversés par les princesses."

"Quelques jours après, Bailly , maire de Paris et une députation de la ville se rendirent aux Tuileries pour protester contre le projet de départ des princesses....
Louis XVI leur répondit avec beaucoup de pertinence que leur opposition " était contraire aux lois de l'état et à la Déclaration des Droits de l'homme , qui permettent à tout particulier de voyager et de sortir du royaume quand il lui plaît."
Il n'y avait rien à redire à cet argument ; et la députation se retira sans insister. "

Si Mesdames étaient restées, elles auraient été emprisonnées au Temple et seraient parties pour l'échafaud.

Madame de Chimay a écrit:

Ben , vous savez , Louis-Philippe parle d'une foule de 100 000 personnes

100 000 personnes selon les manifestants...Combien selon la police?

Bien à vous.

Madame de Chimay a écrit:

Certes Chou , mais Louis-Philippe est un témoin direct des événements révolutionnaires et s'il peut mentir sur bien des points, je ne pense pas qu'il mentirait de cette façon là.
Qui peut dire avec précision le nombre exact de personnes présentes à Versailles ces jours là ainsi que du nombre de voitures ?

Personne, y compris Louis-Philippe je dirais, tant la situation devait être complexe et brouillon. Et comme en plus il avait tout intérêt à gonfler les chiffres je pense, c'est pour cela que je m'en méfie

Madame de Chimay a écrit:

Ce serait même intéressant Chou de créer un fil que l'on pourrait appeler " la révolution vue par ses témoins". Qu'en pensez-vous ?

Pourquoi pas! N'hésitez pas à le créer si vous voulez

Merci !

Mais revenons un peu à la lecture de Valentino :
" Les folliculaires répandent sur Mesdames d'infâmes calomnies et cherchent à exciter les faubourgs . On demande aux poissardes " d'aller chercher les vieilles et de les ramener à Paris."
Le 19 février , une bande d'émeutiers et de femmes suspectes s'assemblent au palais royal et menacent de marcher sur Bellevue. Informés par le marquis d'Osmond, MM de Narbonne et de Virieu, chevalier d'honneur et écuyer de Madame Adélaïde , accourent à toutes brides au château pour avertir les princesses que la populace veut les faire prisonnières. Sans perdre son sang-froid, Adélaïde décide de brusquer le départ. Au lieu de partir le lendemain, elle s'en ira cette nuit même ; et elle écrit au roi ce mot d'adieu :

"Je suis au désespoir, mon cher neveu , que les circonstances me forcent de partir beaucoup plus tôt que nous avions eu intention. Je me faisais un vrai plaisir d'aller demain vous voir et prendre congé de vous et de la reine, ainsi que je vous l'avais dit. Mais nous nous trouvons  dans l'indispensable nécessité  de partir tout de suite. Conservez-moi votre amitié  ; donnez-moi quelquefois de vos nouvelles ; elles feront toute ma consolation  dans une absence qui me coûte plus que je ne puis dire. J'espère que vous en êtes bien sûr, ainsi que de toute ma tendresse pour vous qui est inexprimable.

Marie-Adélaïde

"Embrassez bien la reine de notre part à toutes deux et dites-lui combien nous sommes désolées de ne pouvoir pas la voir, comme nous lui avions dit, que nous l'aimons de tout notre cœur. Nous partons dans le moment."

Billet tragique, griffonné en hâte dans la  nuit du départ où s'exprime pour le roi et la reine toute la tendresse d'un cœur. "

Mais les mots d'Adélaïde, sont dans leurs sobriété pleins d'affection et nous réconcilient avec elle, si on la trouvait un peu trop raide et revêche...La voilà maternelle et soucieuse pour des neveux qu'elle ne reverra plus....

Oui, n'est-ce pas , dire qu'on la prenait pour une vieille fille pleine de fieil mais je pense qu'il en est de Madame Adélaïde comme de Marie-Antoinette , ce sont les évenements révolutionnaires qui leur ont permis de montrer leur véritable caractère , à savoir un caractère attachant . Face au danger , elles n'hésitent pas à montrer calme et détermination.
En cela, elles sont impressionnantes toutes les deux.

J'en étais resté à leur fuite : " Après avoir prié un instant à la chapelle, Mesdames descendirent dans la cour du château , en grand secret, tous feux éteints, et montèrent avec leurs suites dans des voitures d'emprunt, pour ne pas attirer l'attention , emportant avec elles les objets précieux et abandonnant provisoirement les lourds bagages. Le comte Louis de Narbonne et le chevalier de Virieu chevauchaient à la portière de leur berline. A 22h45 , Adélaïde et Victoire avaient quitté pour toujours leur château de Bellevue.

Une suite fort réduite , comparée à celle des déplacements d'autrefois, accompagnait les princesses sur la route de l'exil. Leur service d'honneur comprenait la duchesse de Narbonne et son fils , le comte Louis , dame et chevalier d'honneur de madame Adélaïde , le comte et la comtesse de Chastellux ( avec leurs enfants ), chevalier et dame d'honneur de Madame Victoire , un aumônier, deux médecins et deux écuyers. En outre, chacune des deux princesses avait à son service 4 femmes de chambre et 2 valets de pied. Mesdames eussent aimé que leur nièce chérie Madame Elisabeth les accompagnât dans l'exil ; mais la jeune fille , estimant que son devoir la retenait auprès du roi et de la reine , s'y refusa et se voua ainsi au martyre. "

Ouf, Mesdames s'échappent juste à temps : " Pendant que les fugitives gagnaient en hâte la route de Fontainebleau par la Croix de Berny et montaient enfin dans leurs voitures amenées en secret des écuries de Meudon , une foule d'énergumènes , mâles et femelles , envahissaient le château de Bellevue qu'ils se mirent à saccager. L'abbé de Rualem, intendant de Mesdames , fit appel aux autorités de Sèvres et de Meudon , qui ordonnèrent au commandant de la garde nationale Berthier , le futur héros de l'épopée impériale, de chasser les émeutiers . Il fallut plusieurs jours de combat et la haute autorité du chef pour en finir avec cette meute déchaînée, ivre d'alcool, qui fraternisait avec les miliciens et pour faire sortir du château les équipages chargés des bages de Mesdames.

Dès qu'il eut pris connaissance de la lettre de Madame Adélaïde , Louis XVI informa l'Assemblée Nationale du départ de ses tantes. Cette nouvelle suscita la colère des jacobins. Une foule tumultueuse se porta au Luxembourg où logeait le Comte de Provence , et obligea le frère du roi et sa femme à se rendre sous bonne escorte aux Tuileries."

" Les agitateurs faisaient courir le bruit que mesdames emportaient avec elles des dizaines de millions gagnés à la sueur du peuple ( en réalité , elles étaient parties avec leurs bijoux et quelques milliers de livres en or ). Des émissaires , envoyés par les clubs révolutionnaires , parcouraient les routes que devait suivre la caravane de Mesdames , alertant les paisibles populations des villes et des villages traversés , dans le but de créer un incident, propre à interrompre le voyage des fugitives.

Le 20 février au matin, les princesses traversèrent sans difficulté la cité royale de Fontainebleau ; mais un peu plus loin , à Moret , les portes du bourg se fermèrent devant elles , leur passeport ayant été jugé insuffisant. Une troupe soudoyée de vauriens entoure les voitures et pousse des cris hostiles, entremêlés d'insultes grossières.
Avec son courage et sa décision habituels, le comte de Narbonne fait appel au détachement de chasseurs du Hainaut qui escortait la caravane depuis Fontainebleau . Ceux-ci chargent la foule, repoussant la garde nationale, qui a pris fait et cause pour les citoyens de Moret , et font ouvrir les portes de la ville."

Bravo au Comte Louis de Narbonne qui a tout fait pour sauver sa marraine. On eût aimé un pareil courage à Varennes !

A cette lecture, je suis bien contente qu'elles aient réussi à s'échapper!
Le billet d'adieu est très émouvant.

Attendez , chère Olivia , ce n'est pas tout . Leur voyage est plein de péripéties et de rebondissements en tout genre. Les princesses ont bien compris qu'il leur fallait modifier leur itinéraire de voyage . Cependant , elles se sont sont fait rattraper malgré les changements apportés .
Je vous raconterais la suite un peu plus tard.

Oui je me souviens bien qu'elles ont été arrêtées à Arnay-le-duc un bon moment, à tel point qu'un député de la Constituante déclara quelque chose dans le genre qu'il était comique qu'une si digne assemblée débatte sur deux vieilles femmes parties faire leurs Pâques.

olivia a écrit:

Oui je me souviens bien qu'elles ont été arrêtées à Arnay-le-duc un bon moment, à tel point qu'un député de la Constituante déclara quelque chose dans le genre qu'il était comique qu'une si digne assemblée débatte sur deux vieilles femmes parties faire leurs Pâques.

C'est toujours Narbonne qui retrousse chemin, et fonce plaider leur cause devant les députés.

Après un grand débat, c'est le baron de Menou qui déclare :
"L'Europe sera bien étonnée, sans doute, lorsqu'elle apprendra que l'Assemblée nationale a passé quatre heures entières à délibérer sur le départ de deux vieilles femmes qui aiment mieux entendre la messe à Rome qu'à Paris".

Les ordres de les laisser passer sont d'abord contestés par la municipalité d'Arnay-le-Duc, mais finalement...elles continuent leur chemin.

Les princesses ont fait route vers Sens et s'y sont arrêtées pour prier un instant sur le tombeau de leur frère et sur celui de Marie-Josèphe de Saxe. Puis elles continuent leur route et se font effectivement arrêter à Arnay le Duc. La garde nationale occupait la ville avec mission d'arrêter les voyageuses. Effectivement , ce fut le Comte de Narbonne qui arrangea l'affaire.
Le 3 mars, après 11 jours de captivité , Mesdames de France , enfin libérées , reprenaient le chemin de l'exil.

A jamais!

Je trouve la chanson amusante!
Mais elle prouve aussi que Marat pouvait vraiment être ridicule dans ses exagérations, voire dangereux. Fou sanguinaire même!